1. Perray-en-Yveline, avril 2019. Paulette Deschamps (PS), maire du petit village rural, se promène parmi les bourgeons et les arbres qui verdissent lorsqu’un détail attire son attention : face à elle, un champ entièrement rouge, récemment aspergé du célèbre pesticide au glyphosate (produit phare de l’entreprise américaine Monsanto). Soucieuse de la santé de ses habitants (7000 au total), Deschamps demande confirmation de la présence du produit par le biais d’un test d’urine, qui est effectué sur 47 volontaires. Le résultat est sans équivoque : le taux de la substance s’y trouve 35 fois supérieur à la norme. Le maire se risque à mettre sa carrière en jeu et soumet un arrêté jugé illégal, rejeté sans surprise par le monde agricole et la préfecture. En effet, il stipule que plus aucun pesticide ne pourra être déversé à moins de 150 mètres des habitations ; cauchemar pour les agriculteurs, dont les rendements se verront affaiblis.
Pour Paulette Deschamps et bien d’autres personnes qui la soutiennent via sa pétition, la santé publique passe avant les bénéfices de production. Selon elles, le glyphosate aurait un impact considérable sur la santé. Pourtant, le débat quant à sa toxicité n’est pas clos ; en fait, il est en route depuis 4 ans.
2. Tout commence en 2015, lorsqu’une étude publiée par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) classe le glyphosate en tant que « cancérogène probable ». À cette annonce, bien des industries, dont la plupart partisanes de la substance, rappellent à l’organisation que ses recherches n’ont aucune valeur réglementaire reconnue. Voilà pourquoi, peu après cette déclaration coup de poing, plusieurs agences sanitaires internationales se mettent au travail et en évaluent la composition. Le verdict tombe avec l’EFSA (European Food Security Authority), dont l’analyse révèle que le glyphosate ne représente… qu’un risque limité. La substance ne dépasserait jamais 0.5 mg/kg dans notre alimentation, quantité totalement inoffensive et contrôlée.
On ne sait plus quoi penser… L’étude menée par le CIRC se révélait si vraisemblable ! C’est ainsi que tombe un constat intéressant : non seulement l’EFSA ne se serait basée QUE sur la molécule de glyphosate, qui à elle seule ne représente pas la toxicité, mais en plus elle manquerait cruellement de transparence. Ce dernier point fut souligné par la Commission européenne et de nombreuses ONG, notamment dans le cadre de l’action « Stop Glyphosate » menée en 2017. C’est pourquoi, le 17 avril dernier, 13 millions de signatures ont été récoltées pour mettre en place de nouvelles règles : un meilleur encadrement dans les recherches sur les substances dangereuses et le développement d’une base de données européennes où les résultats pourront être stockés et consultés.
Suite à cette polémique injustifiée de l’EFSA, les recherches reprennent et se succèdent, toujours prises au jeu de celle-qui-aura-le-résultat-le-plus-probant afin d’étoffer le constat du CIRC. C’est ainsi qu’un deuxième tremblement scientifique surgit, lorsqu’on parla du LNH (lymphome non hodgkinien, cancer du sang rare). Selon un rapport de l’International Journal of Epidemiology, disponible sur le site d’Oxford Academic, les agriculteurs exposés au glyphosate auraient 41% de risque de développer cette maladie. D’autres études suivirent, révélant la possibilité de développer une leucémie aiguë myéloïde ou encore la maladie de Parkinson (Inserm, 2013). Ajoutées à cela les conséquences non négligeables subies par l’environnement : disparition de 80% des espèces, extinction des bleuets et coquelicots (flore appréciée par les abeilles), pollution des eaux (empoisonnement des poissons), etc…
3. Comment en sommes-nous arrivés là ? La mise au point du glyphosate n’est autre qu’une conséquence de l’agriculture capitaliste intensive, mondialisée dans les années 1950. À l’époque, les craintes économiques étant prépondérantes vis-à-vis du respect de l’environnement et de la santé publique, tout était bon pour augmenter la production et les bénéfices. Cette course permanente et anarchique au profit est ce qui engendre la surproduction, caractéristique inébranlable du système capitaliste. Malheureusement, avec le temps, la population s’habitua à ce nouveau mode de vie, sain en surface, mais destructeur sur le long terme.
4. Il est donc de notre devoir de prendre conscience des vices intrinsèques du système, menant inévitablement à la situation actuelle, et de revoir nos priorités en les dirigeant vers une considération du bien-être public et environnemental. Une rupture avec le système actuel est alors inévitable, si nous voulons vivre dignement.
Quelques sources utiles : Le Monde.fr, La Croix.com, Futura-Science.com, academic.oup.com, sciencedirect.com
Écrit par Emma Crepin