1. Parlons un peu du mouvement historique en cours au Chili.
2. D’abord, il est nécessaire de se faire une idée générale de la situation socio-économique du pays. À cette fin, passons en revue, à grands traits, la problématique des inégalités sociales, le système de retraite chilien et le coût de la vie.
La société chilienne connait des inégalités colossales. Selon les Nations unies, 1% des Chiliens concentre plus de 25% des richesses du pays. En 2018, l’OCDE soulignait que « Les inégalités de revenus au Chili sont supérieures de plus de 65% à la moyenne de l’OCDE. »
Le système de retraite chilien est l’héritier de celui mis en place sous la dictature de Pinochet (1973-1990) ; il s’agit d’un système de capitalisation individualisé pour les salariés. Ce système, antisocial, implique que les retraites sont souvent inférieures au salaire minimum alors que les fonds de pension empochent de monstrueux bénéfices.
Quant au coût de la vie, il ne cesse d’augmenter en raison des politiques réactionnaires successivement mises en place.
3. Qu’est-ce qui a mis le feu aux poudres ? La hausse du ticket de métro.
La liste des revendications des manifestants s’est allongée petit à petit : retraites décentes, santé et éducation abordables, baisse des prix des médicaments, démission du président, nouvelle constitution pour remplacer celle héritée de Pinochet…
Outre les manifestations et émeutes, le gouvernement chilien a eu droit à des grèves, notamment des mineurs de la mine d’Escondida, la plus grande mine de cuivre au monde.
La répression étatique est brutale. On déplore plus de vingt morts ainsi que des milliers de blessés et d’arrestations. Le 19 octobre, l’état d’urgence a été déclaré. L’armée a été déployée dans les rues de nombreuses villes et des couvre-feux ont été mis en place. Le 20 octobre, le président prononce ces mots, lourds de sens : « Nous sommes en guerre contre un ennemi puissant, qui est prêt à faire usage de la violence sans aucune limite. » Le 25 octobre, c’est près d’un million de personnes qui sont descendues dans les rues de Santiago (le pays compte près de 18 millions d’habitants).
Il s’agit là du plus important mouvement social, au Chili, des quarante dernières années.
Le gouvernement a tenté, en vain, à la manière du gouvernement de Macron, d’éteindre l’incendie à l’aide de quelques mesures démagogiques. La démobilisation espérée par le gouvernement n’a pas eu lieu.
Le 11 novembre, le gouvernement a accédé à la revendication de mettre en place une nouvelle constitution. La lutte paie.
4. Deux autres points sont à souligner. Premièrement, dans ce mouvement, les masses laborieuses sont massivement à l’œuvre. Deuxièmement, la violence des masses en lutte dans ce mouvement est impressionnante (attaques et incendies de banques, de grands commerces, puissante résistance aux forces de l’ordre…), inévitable et revêt un caractère révolutionnaire.
5. Ce mouvement n’est pas isolé à l’échelle mondiale. À l’heure actuelle, de nombreux puissants mouvements sont en cours aux quatre coins du globe. Tous n’ont pas pour racines les mêmes contradictions (par exemple, les mouvements à Hong Kong et en Catalogne n’ont pas pour racines les mêmes contradictions que le mouvement chilien). Mais, de manière générale, les mouvements actuellement en cours à travers le monde révèlent le fait suivant : les différentes contradictions du capitalisme s’approfondissent. L’avenir s’annonce orageux.
6. Pour finir, un mot sur l’internationalisme. Selon les mots de Lénine, « Il n’est qu’un seul et unique internationalisme de fait : travailler avec abnégation au développement du mouvement révolutionnaire et de la lutte révolutionnaire dans son pays, soutenir (par la propagande, par la sympathie, par une aide matérielle) cette même lutte, cette même ligne et elle seule, dans tous les pays sans exceptions. » (Lénine, « Les tâches du prolétariat dans notre révolution », Œuvres choisies, Éditions en langues étrangères, Moscou, 1953, p. 39). Gardons ces mots à l’esprit dans notre pratique et notre théorie.
Écrit par Adrien Arce