Chaque semaine, nous allons à la sortie des usines pour échanger avec les ouvriers et être au plus près de leur réalité. Nous diffuserons régulièrement les témoignages récoltés. Donnons ici la parole à quelques métallos liégeois :
« Pour l’instant on a plus de charge de travail depuis quatre, cinq semaines. Ca s’ajoute à une situation de merde depuis quelques années. Il y a eu beaucoup de licenciements. […] Ce qui me pose fort problème aussi c’est la façon de traiter les gens. On a une hiérarchie complètement déshumanisée. Être délégué du personnel dans un endroit pareil, c’est très compliqué. […] Au niveau de la rémunération, ça commence très bas. Il y a plusieurs échelons ; la rémunération varie en fonction. Chaque année on a une évaluation par rapport à notre comportement, notre qualité de travail, notre rentabilité, notre présence, assiduité au travail et tout ça… Et on a des points. A chaque pallier on monte un peu dans le salaire. Plus tu es sage, productif, etc., plus tu montes… C’est vicieux. Moi par exemple je suis assez franc, je dis les choses comme je les pense. Et ça, ça ne plait pas du coup on m’enlève des points. Mais quelqu’un qui rentre bien dans l’ordre, qui dit oui et amen à tout mais par contre qui n’en touche pas une, ça, ça va, il aura le maximum. Si tu lances une grève… Mais si c’est lancé par la délégation, c’est elle qui prend sur elle donc ça va pour les autres ouvriers. »
« Moi je suis au montage bois. Y a plusieurs ponceuses, des foreuses, que tout le monde utilise. Les mesures sanitaires sont pas suffisantes. »
« Maintenant ils obligent à mettre le masque… ce qui est logique. Mais ils en profitent pour établir des sanctions à la clé alors que ce n’est pas repris dans le règlement de travail. »
« Ce serait déjà bien de ne pas perdre ce qu’on a. »
« Les jeunes ont des places de merde ; ils doivent produire et produire, dans les temps impartis, et tant pis s’ils crèvent. »
« On vit au jour le jour. On est au bord de la faillite. On sait pas comment on vit demain nous. On est dans l’inconnu tu imagines pas. Je sais même comment on est toujours debout ici. Ca fait 26 ans que je suis ici. J’ai 50 ans. Depuis 5-6 ans c’est la catastrophe ici. On nous ment tout le temps. On sait pas ce qui se passe. Si je perds mon emploi ici, qu’est-ce que tu veux que je retrouve ? J’ai pas fait beaucoup d’études ; j’ai un A3 en mécanique, c’est tout ce que j’ai. Si je perds ma place ici, c’est la fin du monde tu comprends ? La situation de toute façon elle est bloquée partout. Avec l’histoire du COVID c’est encore pire. […] Moi je participe à toutes les grèves. J’ai été aux manifs à Bruxelles. Je m’en suis ramassé sur la tête. Tu vois ce mec-là ? C’était un premier de ligne lui. Il fonçait dans le tas. C’est un mastodonte hein? Avant on en avait plein des mecs comme ça. On sait pourquoi on se bat ; pour l’ouvrier, pour le travail… Je ne connais pas les autres usines, je ne veux pas dire que la nôtre est plus dure qu’ailleurs mais pour travailler ici faut en avoir un petit peu, faut en vouloir. Et la façon dont on travaille se reflète sur comment on est dans la vie, quand on allait manifester et tout. C’est pour ça que nous autres aux manifs on nous met en première ligne. Lors des grèves nationales, si on apprenait que des usines dans le coin ne fermaient pas on allait avec notre car fermer tout. […] Le problème c’est que maintenant on n’est plus en position de force dans cette usine. Tu vois ce bâtiment ? Il est à l’abandon car il a fermé ; maintenant il ne reste que l’autre partie de l’usine.
Aujourd’hui je dois me battre pour travailler, surtout à 50 ans ! On a tous peur pour notre place. »Ces témoignages parlent d’eux-mêmes: les conditions de la classe ouvrière sont de plus en plus dures et la nécessité de combattre de plus en plus criante.