Ces dernières semaines voient se succéder les grèves spontanées dans les magasins Colruyt. Le mouvement a principalement touché la province de Liège mais a également atteint le Hainaut, le Brabant flamand et Bruxelles. Ce jeudi, ce sont les travailleurs du Colruyt situé à Seraing qui ont débrayé. Nous sommes allés leur exprimer notre soutien.
Tandis que la famille Colruyt – figurant parmi les dix plus fortunées de Belgique – continue de réaliser de plantureux bénéfices, les travailleurs sont accablés par la charge de travail. Comme l’a indiqué un délégué, cela faisait près de vingt ans qu’il n’y avait pas eu de grèves spontanées dans la chaîne Colruyt. C’est dire si la coupe est pleine.
Les travailleurs réclament une augmentation de quatre euros des chèques-repas, une demi-heure de récupération supplémentaire par jour, l’interdiction des sacs afin de limiter les risques de contamination et l’application de la convention collective n° 104 qui peut permettre d’améliorer en partie la situation des plus de 45 ans. Ces mesures avaient été obtenues lors de la première vague pour ensuite être retirées le 30 juin. Ils s’opposent en outre à l’élargissement des plages horaires (de 5 heures à 22 heures) voulu par la direction.
Quelques propos de grévistes sur le piquet :
« Au niveau sécurité sanitaire, c’est vraiment pas assez. Maintenant les clients sont libres de désinfecter eux-mêmes leurs caddys. On n’a pas encore de plexi pour les caisses. Etc. […] Tu sens qu’à ton niveau d’employé tu n’as rien à dire. »
« Si tu es écarté en raison du COVID, tu perds un gros pourcentage de ton salaire. Alors que tu as déjà difficile, en fin de mois t’es mal. Certains ont déjà du mal à payer leurs factures en fin de mois… J’ai un collègue il est père célibataire avec deux enfants, je sais pas comment il fait. En fin de mois il doit choisir entre payer certaines factures et acheter un pantalon à sa fille. »
« De l’extérieur, les clients ils voient les collègues qui rigolent ensemble. Tu te dis il y a une bonne ambiance chez Colruyt. Mais il nous reste que ça. Si on n’a plus l’humour et les rapports entre collègues, on n’a rien. Et heureusement que pour le moment on a des masques, car le sourire il est pas là. »
« Moi personnellement je me sens juste comme un numéro. »
« C’est honteux de devoir se battre pour une hausse des chèques-repas, pour manger alors qu’on travaille dans un magasin qui vend de quoi manger. Qu’est-ce que tu veux faire avec 4 euros de chèques-repas ? C’est une misère. Et l’argent qu’on reçoit, on le leur réinjecte en partie chez eux. »
« Si tu jette une grenouille dans une casserole d’eau bouillante, elle va direct sauter pour s’échapper. Si tu la mets dans l’eau et que tu montes la température petit à petit, elle va sans s’en rendre compte se faire bouillir. C’est pareil pour les travailleurs aujourd’hui. »
« Les magasins sont éparpillés ; par magasin tu as une équipe d’une trentaine de personnes donc pas plus de trente personnes qui peuvent sortir faire grève. Et dans le lot tu enlèves les responsables… Moi dans mon magasin je sais pas ce qu’il se passe dans un autre. On n’est pas au courant des problèmes des autres. Et puis sur le piquet tu te rends compte qu’on a tous les mêmes problèmes.C’est aussi comme ça qu’ils ont le rapport de force. Pour plein de raisons c’est très compliqué de coordonner les différents magasins durant les grèves. Ici le problème c’est qu’on est trop peu à sortir. Pour le moment c’est surtout à Liège que ça bouge et pas assez ailleurs. Mais on peut pas continuer seuls. »
« Ce n’est pas comme les grèves chez Ab InBev où ils sont des centaines dans l’usine. »
L’éparpillement des travailleurs, leur dispersion, est une difficulté de taille qui est plusieurs fois ressortie des échanges que nous avons eus sur le piquet. Cette difficulté, que ne connaissent pas les ouvriers concentrés dans la grande industrie, est commune aux petits salariés du commerce ; elle entrave leur organisation et leur force dans le combat. En même temps, face à l’oppression sociale, ils ne peuvent qu’être de plus en plus nombreux à s’éveiller à l’action. Sur le chemin de la lutte, ils trouveront dans les ouvriers industriels leurs meilleurs alliés et guides. Soutien à la résistance des travailleurs du commerce