Article de notre camarade “L’ouvrier indigné” travaillant à Fedex:
“FedEx-TNT à Liège : un modèle d’égalité professionnelle ? À l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, il est temps de faire le point.
Avant de faire le point, rappelons brièvement en quoi consiste cette journées et d’où elle vient.
Un petit peu d’histoire
La Journée internationale des femmes, célébrée chaque année le 8 mars, trouve ses origines dans les luttes féministes du début du XXe siècle pour les droits des femmes, notamment le droit de vote, de meilleures conditions de travail et l’égalité sociale. Plusieurs femmes et mouvements féminins ont joué un rôle clé dans la création de cette journée. Voici les principales figures et contextes historiques :
1 ) Theresa Serber Malkiel (1874-1949)
C’est Theresa Serber Malkiel qui, en 1909, a lancé la première « Journée nationale de la femme » (National Woman’s Day), le 28 février. Cette initiative a marqué un point de bascule dans la lutte pour les droits des femmes aux États-Unis. Ces mobilisations trouvent leur origine dans les luttes des ouvrières américaines. En 1908, environ 15 000 femmes avaient manifesté à New York pour réclamer de meilleures conditions de travail, des salaires égaux et le droit de vote. Pour honorer ces combats, le Parti socialiste américain a instauré la « Journée nationale de la femme » le dernier dimanche de février de chaque année, dès 1909.
- Clara Zetkin (1857-1933) et Rosa Luxemburg (1870-1919)
Clara Zetkin , leader socialiste allemande et rédactrice en chef de la revue féministe L’égalité, mène une campagne internationale, épaulée par son amie Rosa Luxemburg, pour que la journée du 8 mars soit retenue comme « Journée internationale de la femme », pour commémorer la lutte des femmes en particulier pour le droit de vote et de meilleures conditions de travail. Les 17 pays représentés adoptent la proposition à l’unanimité. La première Journée internationale des femmes est célébrée le 19 mars 1911, pour revendiquer le droit de vote des femmes, le droit au travail et la fin des discriminations au travail. C’est la direction du parti social-démocrate allemand (SPD) qui fixa la première journée des femmes au 19 mars.
- Alexandra Kollontaï (1872-1952)
Figure de proue du féminisme et de la révolution russe, Alexandra Kollontaï a fortement contribué à promouvoir la Journée internationale des femmes en Russie. Sous la révolution, elle a occupé le poste de commissaire du peuple à l’Assistance publique, impulsant des réformes audacieuses : légalisation de l’avortement, du divorce, du contrôle des naissances, et instauration de l’égalité salariale et de congés maternité. L’URSS a également été précurseur en matière de suffrage féminin. Kollontaï et Inès Armand ont créé en 1919 le Jenotdel, un département dédié aux questions féminines au sein du Parti bolchévique. Cependant, Staline a dissous le Jenotdel en 1955, marquant un retour en arrière pour les droits des femmes avec l’interdiction de l’avortement.
- La mobilisation internationale
La première Journée internationale des femmes, sous sa forme organisée, a été célébrée le 19 mars 1911 dans plusieurs pays d’Europe, notamment en Allemagne, en Autriche, au Danemark et en Suisse. Des milliers de femmes ont manifesté pour réclamer leurs droits.
C’est en 1921, lors de la Conférence internationale des femmes communistes, que le 8 mars a été officiellement retenu comme date commémorative. Ce choix rend hommage aux ouvrières de Saint-Pétersbourg qui, en février 1917, ont déclenché une grève générale en réclamant « pain et paix ». Plus de 90 000 femmes sont descendues dans la rue pour exiger de meilleures conditions de travail et de vie, la fin de la guerre et le retour des hommes du front. Cette manifestation historique a joué un rôle crucial dans la Révolution de Février.
En reconnaissance des luttes des femmes et à l’occasion de l’Année internationale de la femme en 1975, les Nations Unies ont adopté, le 8 mars 1977, une résolution proclamant une « Journée des Nations Unies pour les droits des femmes et la paix internationale ». Plus communément appelée « Journée internationale de la femme », elle est devenue, depuis 2016, la « Journée internationale des Femmes
Synthèse
La Journée internationale des femmes est donc le fruit des luttes convergentes de plusieurs mouvements féministes, socialistes et ouvriers, avec des figures comme Clara Zetkin et Alexandra Kollontaï en tête. Elle symbolise un combat universel pour l’égalité, qui continue d’évoluer aujourd’hui.
Derrière les chiffres se cachent des inégalités criantes que la Belgique doit impérativement corriger.
En Belgique.
En 2022 les femmes gagnaient en moyenne 5,0% de moins par heure travaillée que leurs collègues masculins. Si l’on regarde l’ensemble d’une vie ont atteint les 25% de discrimination salariale en fin de carrière. Cela se manifeste sous de multiples formes (discrimination à l’embauche, à la progression de poste, à la dénomination différenciée de fonction pour un travail identique, etc.)
Les femmes sont également plus touchées par le burn-out que les hommes. Sur les 39.093 personnes malades en 2022 évoquées en début d’article, 27.809 étaient des femmes. Notamment parce que les femmes font encore très souvent une 2ème, voire 3ème journée de travail chaque jour (travail domestique, repas, s’occuper des enfants et des parents âgés, etc.)
Quatre travailleurs à temps partiel sur cinq sont des femmes et les femmes obtiennent moins de promotions ou d’avantages extra-salariaux et accèdent plus rarement aux échelons les plus élevés de la hiérarchie.
La virilité a un coût et il est de 16 milliards d’euros par an selon l’hebdomadaire belge Le Vif. Que ce soit des violences, des homicides, des infractions routières, des trafics, etc., les auteurs sont le plus souvent, parfois quasi exclusivement, des hommes. Dans le monde professionnel, le chemin pour l’égalité femmes-hommes est encore long.
Chez Fedex où en sommes-nous ?
L’égalité hommes-femmes au sein de FedEx-TNT soulève quelques interrogations. En effet, si l’entreprise semble se conformer à la législation sur l’égalité salariale, il est essentiel de mener une analyse plus détaillée pour cerner les éventuelles inégalités subtiles et garantir l’équité pour tous les employés. En effet, si on se base sur les deux données reprise du bilan social ci-dessous de Fedex, on pourrait se demander pourquoi, alors qu’elles représentent 13 % des effectifs de l’entreprise et affichent un niveau de diplôme supérieur en moyenne, les femmes sont-elles sous-représentées aux postes à responsabilité ? Quels sont les obstacles qui les empêchent d’accéder à ces fonctions ? Par ailleurs, pourquoi sont-elles aussi peu nombreuses au sein du syndicat interne ?
Enfin, comment expliquer l’écart salariale sur l’année 2023 de 31 790€ entre les hommes et les femmes chez FedEx ? Si l’on met en perspective l’index français de l’égalité femmes-hommes de FedEx Express en France en 2023, qui révèle la présence de 3 femmes sur 15 parmi les cadres , on peut se demander pourquoi cette proportion ne se retrouve pas à l’aéroport de Liège ? Seules cinq femmes occupent des postes de superviseurs au sein de l’entreprise sur 91. Aucune femme n’a accédé à un poste de manager. Pourtant, ces cinq femmes démontrent quotidiennement leurs compétences et leur efficacité.
Les employés de FedEx évoquent fréquemment le ‘pistonnage’ comme étant une pratique courante au sein de l’entreprise . Par ailleurs, les syndicats sont souvent dépeints par les femmes comme des structures où la culture masculine prédomine, rendant difficile l’accès aux femmes au sein de la délégation syndicale dans l’entreprise FedEx.
Les données du bilan social de mai 2024 de FedEx-TNT
🔴 calculs approximatifs du bilan comptable de mai 2023 à mai 2024 se compose comme ceci :
* Nombre total estimé d’hommes : 964.9 ETP (arrondi à 965 pour simplifier les calculs)
* Nombre total estimé de femmes : 149.9 ETP (arrondi à 150)
Moyennes :
Nombre d’heures effectivement prestées | 784 831 / 965 ≈ 913 heures | 128 954 / 150 ≈ 859 heures |
| Frais de personnel | 75 471 696 / 965 ≈ 78 209 € | 6 962 893 / 150 ≈ 46 419 € |
🔴 bilan social de Fedex avec la répartition par sexe , niveau d’études . Les chiffres en dessous du niveau d’études représentent la proportion des /00 temps plein et |00| temps partiel dans l’entreprise
Répartition à la clôture de l’exercice |
Par sexe et niveau d’études | |
| Hommes |
| de niveau primaire |
/ 35 | 27 | |
| de niveau secondaire |
/488 | 372 | |
| de niveau supérieur non universitaire |
/ 103 | 33 | |
| de niveau universitaire |
/ 39 | 14 | |
total |
/ temps plein 665 | temps partiel 446 |
| Femmes |
| de niveau primaire |
/ 1 | 1 | |
| de niveau secondaire |
/ 49 | 55 | |
| de niveau supérieur non universitaire |
/ 34 | 9 | |
| de niveau universitaire |
/ 21 | 6 | |
total |
/ temps plein 105 | temps partiel 74 | |
Interprétation des données :
* Représentation masculine : Les hommes représentent une proportion plus importante de l’effectif total, 86,13% sont des hommes et 13,87% sont des femmes dans l’entreprise.
*Les données suggèrent que les femmes occupant des postes à temps plein sont, en proportion, plus diplômées que les hommes. Cependant, pour les emplois à temps partiel, la concentration se fait principalement au niveau secondaire. Cette observation pourrait indiquer une ségrégation professionnelle, avec les femmes à temps plein plus présentes dans les fonctions administratives et les femmes à temps partiel davantage concentrées dans des postes de production.
* Nombre d’heures travaillées : En moyenne, les hommes semblent travailler un peu plus d’heures que les femmes.
* Frais de personnel : Le coût moyen par employé est nettement supérieur pour les hommes. Cela pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs : postes à plus haute responsabilité, ancienneté, négociations salariales, plafond de verre etc.
En conclusion, ces données révèlent les multiples inégalités persistantes à l’égard des femmes au sein de FedEx Liège. Les carrières féminines sont systématiquement confrontées à un plafond de verre, se traduisant par des parcours professionnels plus courts, des rémunérations inférieures et une sous-représentation aux postes à responsabilité. Cette situation pénalise non seulement les femmes, mais également l’entreprise et la société dans son ensemble. Il est donc urgent que FedEx Liège mette en œuvre un plan d’actions concret pour concrétiser les engagements pris lors de la signature du label ‘Féminisons les métiers de l’aéronautique et du spatial’. Les syndicats de l’aéroport, en tant que défenseurs des droits des travailleurs, ont un rôle clé à jouer dans cette transformation. Ils doivent non seulement promouvoir la diversité et l’égalité au sein de l’entreprise, mais également soutenir les initiatives de formation destinées aux femmes. Grâce à des programmes comme ceux proposés par la FAR, le CEPAG et le bureau des femmes de la FGTB, les femmes pourraient acquérir les compétences nécessaires pour évoluer professionnellement et s’engager davantage dans la vie associative et politique.”