1. Vous n’avez pas pu manquer le projet de la coopérative NewB. Ce projet se distinguerait des autres en ceci qu’il vise à la construction d’une « banque éthique et durable au service d’une société respectueuse de la planète et des droits humains ». L’idée, c’est de créer une banque d’un type nouveau, d’instaurer une « finance durable » pour contrer la « mauvaise finance » et œuvrer à transformer la société.
Honnêtement, tout cela ne semble pas un peu trop beau pour être vrai ? Regardons cela d’un peu plus près.
2. Dans le système bancaire, la concentration mène au monopole. Les plus grosses banques écrasent, dans le jeu sans pitié de la concurrence, les plus petites et mettent la main dessus par divers moyens (acquisitions d’actions, crédits…). In fine, les grandes banques se partagent le marché et réunissent dans leurs caisses les fonds des capitalistes (notamment en des lieux exotiques…) et les épargnes de la population. En Belgique, les plus grosses banques sont au nombre de quatre : KBC, ING, BNP Paribas Fortis (qui est en fait une filiale du groupe BNP Paribas), et Belfius.
3. Par ailleurs, par leurs investissements des fonds dont elles disposent, les grandes banques sont copropriétaires des grosses entreprises industrielles, commerciales… Réciproquement, ces dernières investissent également dans les grosses banques et en sont copropriétaires. Ce sac de nœuds, qui caractérise le système de notre époque, on l’appelle « capital financier ».
4. En définitive, les secteurs principaux, vitaux, de l’économie, se trouvent concentrés entre les mains d’un petit nombre de groupes de grands banquiers et industriels, autrement dit entre les mains d’une oligarchie financière.
5. Lorsqu’une banque est créée, elle entre dans l’arène de la concurrence et doit faire face au poids des mastodontes surpuissants qui sont en place et qui dévorent tout sur leur passage. Comment faire face ? En se développant, en grossissant. Et comment cela ? Notamment en investissant les fonds dont la banque dispose dans des activités, dans des secteurs, dans du capital, profitables, qui rapportent. Et qu’est-ce que cela implique ? Cette course aux profits implique immanquablement d’exploiter les travailleurs, qui créent la valeur, ainsi que les ressources naturelles ou, autrement dit, d’épuiser les deux sources d’où jaillit tout richesse : la terre et le travailleur (mots empruntés à Marx).
6. Mais, nous direz-vous, quid si un capitaliste mise, par exemple, sur des produits moins polluants, eco-friendly ? Eh bien ! l’impérieuse tendance des capitalistes à constamment élargir leur production – pour accroître leurs profits et faire face à la concurrence – ne peut qu’annihiler les avantages éventuellement obtenus sur le plan environnemental par unité produite.
7. En résumé, une banque arrivant sur le marché, si elle veut espérer survivre, devra se plier aux lois du capitalisme…Et ceci ne se fera qu’au détriment du « respect de la planète et des droits humains ». Soutenir le contraire signifie entretenir l’illusion que le capitalisme pourrait être « éthique », social et vert. C’est précisément ce que fait NewB et c’est aussi ce que font les banquiers de tout poil qui promeuvent les très tendance investissements « durables » aussi appelés « socialement responsables » ou « éthiques ».
8. Naturellement, on pourra opposer à tout cela l’argument qu’il faut malgré tout essayer, tenter l’expérience. Sauf que des expériences et des tentatives de ce type, l’histoire nous en fournit beaucoup. On pourrait citer les phalanstères ou les sociétés autogérées anarchistes poursuivant la vocation illusoire de changer la société en créant des regroupements communautaires autonomes en son sein sans prendre en compte la mission de classe des travailleurs. Comme « banque éthique », on pourrait notamment citer le crédit coopératif, finissant par trouver « éthique » le fait d’investir dans Siemens et Schneider Electric, ce dernier se vantant même d’être une référence dans les lance-missiles ou bien de rémunérer grassement son président (335 000 €) (https://lentreprise.lexpress.fr/actualites/1/actualites/le-credit-cooperatif-banque-solidaire-questionnee-par-ses-societaires_1676626.html?fbclid=IwAR12Nil9CYCaR8XLSWVUE5ZC_hOVkuJh7mNmUKMK4PVo6cqX7fz2WxVoozA).