Rétroactes. En 2021, un certain Pedro Castillo se présente à l’élection présidentielle comme candidat de « Pérou Libre », un parti de « gauche » réformiste. Élection qu’il remporte. Durant toute sa présidence, il est confronté à une hostilité de la part du parlement, de la presse et du pouvoir judiciaire. Ses promesses électorales restent lettre morte. Au printemps 2022, le pays est secoué par de grosses manifestations faisant plusieurs morts : dans un contexte d’inflation astronomique, le mécontentement du peuple à l’égard du gouvernement est grand. Fin 2022, Pedro Castillo est destitué, arrêté et remplacé par la vice-présidente Dina Boluarte.
Nos camarades péruviens parlent d’un « coup d’État institutionnel de la droite (sûrement la plus réactionnaire d’Amérique Latine) » (http://www.eldiariointernacional.com/spip.php?article4521). « En disant cela, ajoutent-ils, nous n’avons nullement l’intention de victimiser le gouvernement Castillo. Comme indiqué au début, il existe des indications plus que plausibles selon lesquelles lui-même et son entourage le plus proche ont commis des actes de corruption, principalement en attribuant des marchés à ses proches collaborateurs. Dans le même temps, il convient également de noter que tous les gouvernements péruviens ont eu recours à ces pratiques de corruption. Pedro Castillo, en réalité, est un corrompu moyen comparé aux poids lourds de la corruption que sont Alan García Pérez, Alejandro Toledo et Pedro Kucynsky. Cela n’enlève rien à sa responsabilité pénale et à celle de son entourage ; mais il est nécessaire de mentionner que ces actes de corruption ont été découverts grâce à la presse bourgeoise et à des fractions du pouvoir judiciaire, toutes deux de droite, et avec l’aide des services de renseignement. Et aussi que ces forces n’ont pas agi avec la même diligence et la même sévérité contre les précédents présidents corrompus.
Cependant, la critique la plus importante à faire à l’encontre de Castillo est qu’il était plus soucieux de favoriser son entourage que de mener à bien ses réformes annoncées pour le bien du peuple. Depuis son entrée en fonction, il n’a pris aucune mesure radicale pour transformer les structures du pouvoir. Sa réforme foncière vantée, par exemple, était une insulte à l’intelligence du peuple, et son gouvernement a adopté une loi d’exonération fiscale en faveur des grandes compagnies minières pour les activités d’exploration.
[…] On peut se demander pourquoi la droite et les grandes entreprises nationales et internationales souhaitaient le départ de Castillo, alors qu’il garantissait la continuité du projet néolibéral. D’une part, comme nous l’avons écrit plus haut, la droite elle-même veut être au pouvoir. En outre, dans une société historiquement raciste comme celle du Pérou, les hautes sphères ne tolèrent pas que des intrus venus des provinces réchauffent leurs fauteuils ou leurs trônes de gouvernement. Par ailleurs, ils attendent des gains encore plus importants que ceux que Castillo pourrait leur garantir. Pour légitimer son profil de gauchiste, Pedro Castillo prétendait par exemple exiger que les grandes entreprises comme les compagnies de téléphone paient leurs dettes, ou accorder moins d’avantages aux grandes entreprises. Celle-ci pouvaient encore faire d’énormes bénéfices, mais cela ne leur suffisait pas. Parce que le grand capital, même s’il peut continuer à accumuler, veut toujours plus et ne tolère pas qu’on lui mette des bâtons dans les roues. À présent, la marionnette en place, Dina Boluarte, est l’actuelle présidente, qui rend ces services pour les grandes entreprises, en tant qu’idiote utile de la droite récalcitrante. »
C’est à la suite de cette destitution et de l’accession de Dina Boluarte à la présidence que les masses péruviennes se sont soulevées avec rage dans tout le pays, réclamant la dissolution du Congrès et la démission de la nouvelle présidente. Elles ont au fond exprimé leur profond dégoût de cette droite réactionnaire, leur ras-le-bol d’être constamment prises pour les dindons de la farce, leur immense exaspération face aux politiques corrompus qui couvrent un monde de misère et d’injustices. La répression a été sanglante : plus de 30 manifestants (50 selon des sources non officielles) ont été massacrés par les forces armées et policières.
« La population, écrivent nos camarades péruviens, est descendue dans la rue, a bloqué routes et voies de communication, occupé des installations minières et des installations d’entreprises telles que Coca-Cola, Laive et le groupe Gloria, mis le feu à des commissariats de police et occupé des universités.
L’État, avec cette fois à sa tête Dina Boluarte, « femme de paille » du grand capital péruvien, a réprimé les manifestants dans le sang et le feu. Parmi les morts, on compte deux mineurs d’âge et un bébé. Selon des sources non officielles, on dénombre déjà plus de 50 morts, des centaines de blessés et de détenus. Ces derniers seront poursuivis pour terrorisme. Tous ces événements représentent un massacre social qui doit être dénoncé au niveau international.
Les forces armées et la police agissent dans le cadre de l’état d’urgence actuel, qui a suspendu une série de droits, comme le fait de ne pouvoir être arrêté sans motif valable, l’inviolabilité du domicile, la liberté de mouvement et la sécurité personnelle, et le droit de se réunir pacifiquement en public. Cela donne carte blanche forces armées et policières pour violer les droits de l’homme des manifestants. Les familles des personnes qui ont été arrêtées et détenues font déjà état de tortures, de multiples mauvais traitements et d’abus.
Ce sont ces mêmes forces armées qui ont massacré la population dans leur sale guerre contre le parti communiste du Pérou, pendant le conflit armé interne des années 80 et 90. Ces mêmes glorieuses forces armées qui n’ont jamais gagné une seule guerre contre les pays voisins, mais qui s’enhardissent lorsqu’il s’agit de tirer sur des paysans, des travailleurs et des étudiants, et aujourd’hui aussi sur des milliers de manifestants ; ou lorsqu’il s’agit de violer des paysannes sans défense et des jeunes étudiantes. Et c’est aussi cette même police qui s’est fait un nom en assassinant, torturant et faisant disparaître de nombreux suspects et accusés. Elle qui a été glorifiée dans la lutte contre l’insurrection armée pendant les années de la guerre interne au Pérou. Il faut appeler un chat un chat : la police a contribué à vaincre la guérilla maoïste dans les années 1990 grâce à son travail de renseignement, qui a été soutenu par l’extraction d’informations au moyen de la torture et des menaces (pratiques qui n’ont jamais été sanctionnées). Aujourd’hui, ces glorieux policiers péruviens répriment, assassinent et torturent à nouveau des hommes et des femmes péruviens.
Dans cette tribune, nous saluons le peuple péruvien et sa lutte glorieuse. En ce qui concerne les autorités gouvernementales, nous ne pouvons que nous attendre à davantage d’impunité pour les soldats et les policiers meurtriers : nous sommes sûrs qu’aucun d’entre eux n’ira en prison pour la mort des fils et des filles de notre peuple. La justice ne peut venir que de la majorité des travailleurs et de leurs mobilisations dans chaque coin du territoire péruvien. Et il en sera ainsi, comme l’enseigne toujours l’histoire universelle. Le sang versé ne sera jamais oublié. » (http://www.eldiariointernacional.com/spip.php?article4522).
Solidarité avec les masses péruviennes qui tentent de prendre leur sort en main et d’arracher un avenir digne de ce nom !