Le 28 décembre 1938
I. De l’assimilation de la théorie marxiste-léniniste
Camarades,
Il est beaucoup question, chez nous, à l’heure actuelle, de l’étude de la théorie révolutionnaire du marxisme-léninisme, de l’étude de l’histoire du Parti bolchevik. L’essentiel, ici, c’est de s’assimiler l’essence même de cette théorie, d’apprendre à la mettre en pratique et de faire sienne l’expérience de la lutte révolutionnaire de notre Parti.
En lisant l’Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’U.R.S.S., j’ai admiré la profondeur du contenu, la précision de la pensée et la simplicité de l’exposition. Je ne pourrais pourtant pas répéter textuellement ce qui s’y trouve, car je ne l’ai pas retenu. Mais il ne s’agit pas seulement de retenir ; il s’agit aussi et surtout de comprendre.
La théorie marxiste-léniniste n’est pas un credo, un recueil de dogmes ; c’est un guide pour l’action. Quand il est question de l’assimilation du marxisme-léninisme, certains ont coutume de parler de « travail poussé », « très poussé », etc. Mais il faut comprendre que dans le marxisme-léninisme, le principal c’est non pas la lettre, mais bien l’esprit, l’essence révolutionnaire.
Qu’entend-on par ces mots : « s’assimiler à fond le marxisme-léninisme » ? Quel sens y attacher ? Estce apprendre par cœur toutes les finesses du marxisme-léninisme sous forme de conclusions et de formules toutes faites ? Ou est-ce se pénétrer de l’essence du marxisme-léninisme et savoir se servir de cette théorie comme d’un guide pour l’action dans la vie, “dans la vie sociale, politique et privée ? Cette dernière façon de voir sera la plus exacte, la plus juste, celle qui a le plus de portée ; elle est l’essentiel dans le marxisme-léninisme. Et quand on dit : « posséder le marxisme-léninisme », cela signifie : apprendre à le considérer dans son devenir.
Chacun peut apprendre plus ou moins par cœur les éléments du marxisme-léninisme, mais il est autrement difficile de s’en assimiler l’essence et d’apprendre à l’appliquer. Nous connaissons un grand nombre de vieux ouvriers qui ont participé à la lutte politique. Est-ce qu’ils étudiaient le marxismeléninisme comme vous le faites ? Ils n’avaient point l’Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’U.R.S.S. Ils ont eu très peu d’occasions d’étudier méthodiquement cette théorie. Peut-être ont-ils lu une dizaine de livres révolutionnaires, un point c’est tout. Pourtant, dans leur activité pratique, ils savaient assez bien appliquer le marxisme-léninisme. Des millions d’hommes ont marché et marchent aujourd’hui sous les drapeaux de cette théorie. Nombre d’ouvriers savaient voir sous leur vrai jour les phénomènes sociaux, la vie politique ; saisir comme il le fallait la ligne marxiste-léniniste pour régler telle ou telle question. Et cela, parce qu’ils avaient compris, parce qu’ils avaient saisi l’essence révolutionnaire de la théorie marxiste-léniniste.
L’étude du marxisme-léninisme ne doit pas être un but en soi, une étude de pure forme. Nous n’étudions pas le marxisme-léninisme pour le connaître d’une façon toute mécanique, comme on étudiait autrefois le catéchisme. Nous étudions le marxisme-léninisme parce qu’il est une méthode, un instrument au moyen duquel nous déterminons ce que doit être notre comportement dans la vie politique, sociale et privée. Nous estimons qu’il est l’arme la plus puissante dont l’homme dispose dans sa vie pratique.
Aujourd’hui, une question se pose : Comment appliquer au mieux le marxisme-léninisme ? Il faut avant tout connaître, ne fût-ce que dans leurs grandes lignes, les bases théoriques du marxismeléninisme ; connaître, ne fût-ce que dans ses grandes lignes, l’histoire du Parti communiste. Quand on étudie l’histoire du Parti, il faut voir comment, en telle ou telle circonstance, les bolcheviks ont réglé telle question pratique ; pourquoi ils l’ont réglée ainsi et pas autrement, et sur quoi ils se sont alors fondés. Pourquoi, par exemple, avons-nous boycotté la Douma de Boulyguine, quelles raisons avions-nous de le faire ? [Douma de Boulyguine — ainsi appelée du nom de Boulyguine, ministre de l’Intérieur qui, au mois d’août 1905, élabora un projet de décret sur la convocation d’une Assemblée représentative et consultative. Cependant, la Douma de Boulyguine ne fut jamais convoquée.] Pourquoi par la suite, les circonstances politiques étant moins favorables, avons-nous participé aux élections à la IIe, à la IIIe et à la IVe Douma d’Etat ? Pourquoi ? L’analyse de toutes les questions de ce genre (et il y en eut beaucoup dans l’histoire, car il y eut aussi beaucoup de luttes), nous montre comment appliquer la méthode marxiste-léniniste, comment il convient d’aborder la solution de problèmes nouveaux dans une situation politique nouvelle, la solution des problèmes dans les conditions actuelles.
Il va sans dire que ce faisant, on doit prendre en considération tous les changements qui se sont produits, toutes les conditions nouvelles. C’est pourquoi l’essentiel, quand on étudie le marxismeléninisme, est de se contrôler soi-même à la façon dont on aborde la solution des problèmes qui sont aujourd’hui à l’ordre du jour dans les différents domaines de la vie. Prenons un exemple tiré de la vie courante. Une institutrice s’est séparée d’avec son mari. Quelle doit être, du point de vue marxiste, notre attitude en ces circonstances ? Que faire ? Car c’est également une question qu’il faut aborder correctement, qu’il faut examiner et régler en marxiste. Le plus simple (et ce serait plus ou moins juste — en tout cas si l’on ne va pas au fond des choses) serait de dire : c’est une affaire privée, qui n’a rien à voir avec la politique. Mais comme la chose est connue et que les écoliers en parlent, qu’au village les cancans vont leur train, et que le prestige de l’institutrice en souffre, il est nécessaire de donner de ce fait une explication raisonnable. Vous voyez que parfois une question d’ordre purement privé peut elle-même devenir une question sociale et politique. Différents cas d’ordre privé se produisent chaque jour en nombre infini. Un vrai marxiste doit savoir expliquer tous ces cas comme il convient, comprendre comment il faut les envisager du point de vue du marxisme.
Le marxisme-léninisme, c’est la clé qui permet de résoudre telle ou telle question. Il permet de la résoudre, mais il ne la résout pas. Il permet d’aborder de façon plus juste la solution des différentes questions. Mais ce n’est pas une recette toute prête, à appliquer telle quelle à toutes circonstances de la vie. C’est dans la solution des questions vitales, dans la façon de procéder à cette solution, que l’on voit qui est un véritable bolchevik marxiste, et qui un exégète et un glossateur.
Il en est qui, effectivement, possèdent le marxisme-léninisme et savent appliquer cette théorie à la solution des problèmes pratiques. Mais il en est aussi qui, bourrés de textes savants comme un sac l’est de pommes de terre, sont incapables d’appliquer leurs connaissances. Ils peuvent tout citer par cœur et faire des conférences. Mais si vous leur dites qu’à votre école un cas concret s’est produit, — disons qu’un garçon a été maltraité par son père — et si vous leur demandez comment envisager ce cas concret du point de vue social, vous les verrez se fourvoyer en plein midi. S’ils font quelque proposition, elle sera opportuniste et ne correspondra nullement à l’esprit du marxisme-léninisme, malgré toutes les citations qu’ils pourront faire. L’opportunisme ne se manifeste pas toujours par une négation expresse du marxisme-léninisme. Parfois il se révèle dans le pédantisme, dans une façon toute dogmatique d’envisager cette théorie.
La solution des problèmes pratiques sur la base d’une assimilation véritable de l’essence du marxismeléninisme, c’est cela l’école du bolchévisme.
L’étude d’un texte, c’est l’étude d’un texte sans plus. De même que pour l’enfant l’école n’est pas toute la vie, mais rien que l’école, de même l’étude du marxisme-léninisme dans les établissements d’instruction, les cercles et les cours, ou son étude individuelle, etc., — tout cela n’est encore que l’étude proprement dite, et celui qui s’y adonne ne connaît le marxisme-léninisme que d’une façon livresque. Quand il plongera dans la vie politique, dans l’activité sociale, quand il devra appliquer cette méthode, et l’appliquer sciemment, ce sera bien autre chose. C’est dans la solution pratique des problèmes de la vie auxquels on se heurte chaque jour, que le marxisme-léninisme se révèle ; c’est là la principale école du marxisme-léninisme ; c’est là qu’on voit à l’œuvre un vrai marxiste-léniniste.
La principale école, ce n’est pas le séminaire, ce ne sont pas les conférences. Cela n’est qu’accessoire.
La principale école pour vous, c’est quand vous aurez à discuter, à parler aux gens, quand vous aurez à prendre une décision au sujet d’un élève paresseux. Que faire alors ? Lui mettre un deux ou un trois, le renvoyer ? Ou au contraire lui témoigner de l’indulgence ?
Pour vous, la principale école dit marxisme-léninisme, c’est quand vous aurez à résoudre des problèmes de ce genre.
De même que pour un ingénieur-technologue travailler à l’usine c’est mettre en pratique ses connaissances en technologie et acquérir de l’expérience, de même que pour l’instituteur travailler directement à l’école c’est mettre en pratique ses connaissances en pédagogie, de même le marxisme-léninisme est l’unité vivante, organique, de la théorie et de la pratique.
À présent, vous avez compris ce que je voulais vous dire. Je veux vous rendre claire cette idée que pour bien posséder le marxisme-léninisme, il est absolument insuffisant d’en apprendre par cœur les formules et les déductions, insuffisant aussi d’en assimiler l’essence. Pour posséder vraiment le marxisme-léninisme, il faut encore apprendre à appliquer cette théorie lorsqu’on doit résoudre des questions pratiques, et mieux encore, savoir l’enrichir de l’expérience accumulée, synthétiser celte expérience ; en d’autres termes, savoir développer cette théorie et la faire progresser. Et c’est cela le plus difficile.
L’Histoire du Parti communiste (bolchevik) de l’U.R.S.S. est écrite sous une forme très populaire ; elle n’en exige pas moins du lecteur un très gros effort. Elle donne tous les principes essentiels du marxisme-léninisme sous la forme la plus lapidaire. Chaque ligne exige qu’on s’y arrête. Ce qu’il faut, ce n’est pas apprendre par cœur, c’est réfléchir à ce qu’on lit. Il s’agit de savoir mettre le marxisme en pratique, et cela doit s’apprendre. Mais comment ? En étudiant les exemples de l’histoire, non pas isolément mais ensemble, en procédant à des échanges de vues.
On a dit ici qu’il serait bon d’avoir des cercles. Je comprends parfaitement ce désir. Il est exact, jusqu’à un certain point, qu’un cercle permet des échanges de vues. Mais qui donc vous défend d’organiser des cercles ? Où avez-vous pris cela ? Lisez la décision du Comité central du Parti en date du 14 novembre 1938. Elle condamne le cercle en tant que système d’étude obligatoire du marxisme-léninisme, qui était la forme essentielle de l’enseignement du bolchévisme à nos cadres, et dénotait que l’on s’occupait de la quantité de la propagande au détriment de sa qualité. Une camarade a déclaré ici qu’à l’école où elle enseigne sept instituteurs étudient individuellement. Mais qui vous empêche de dire : « Dans une semaine, je ferai un rapport sur telle ou telle question ; j’invite tous ceux qui voudraient participer à la discussion. » Oui, qui vous en empêche ?
Si l’on est un marxiste, il faut envisager concrètement chaque fait de la vie. Et il va sans dire qu’en discutant ainsi entre soi on s’oriente mieux dans les questions. Quand vous avez lu, vous avez saisi un côté, trois côtés ; le quatrième vous a échappé. Finalement, vous les voyez tous les quatre. Or, il s’avère que vous n’aviez pas affaire à un carré, mais à un cube à six faces. C’est ainsi que par la discussion la pensée se polit et s’enrichit.
Vous dites que des discussions sont nécessaires. Qui donc vous empêche de discuter ? Cinq ou dix personnes sont réunies. Cinq personnes peuvent discuter d’une chose à fond. Qui vous en empêche ? Et si de plus vous vous mettez à composer des rapports, je vous le dis nettement, vous étudierez ainsi la question cinq fois mieux que si vous écoutiez une conférence. Car pour écrire un rapport, il faut peser chaque mot, chaque idée. Il faut puiser aux sources. En le composant, vous approfondirez les questions à traiter beaucoup plus que si vous vous contentiez d’écouter une conférence. Le profit que vous retirerez d’une conférence dépend de plusieurs choses : et du conférencier, et de votre disposition d’esprit. Peut-être avez-vous, durant la conférence, bavardé avec votre voisin. Vous savez vous-mêmes que trop souvent les trois quarts d’une conférence ne sont que de l’eau, et qu’un quart seulement renferme des connaissances utiles. (Rires.) Nous ne savons malheureusement pas en éliminer toute l’eau. Il est vrai qu’il faut l’éliminer. Mais quoi qu’on fasse, il en reste toujours. N’allez pas croire que je sois l’ennemi des conférences. Elles sont, bien entendu, une forme d’enseignement très importante. Je veux seulement vous pousser à travailler par vous-mêmes ; cela vous obligera à fréquenter les conférences et à les écouter avec attention.
Que penser du travail dans les cercles ? Quand on dit cercle, on songe à quelque chose de borné. Le mot lui-même indique une limitation. Mais faut-il pour cela supprimer toute discussion collective ? Non, ni la supprimer ni la condamner. La discussion collective doit se combiner à l’étude individuelle, qui est la principale méthode de travail. On se prépare chez soi, on fait son rapport au cercle ou à la réunion, après quoi les débats s’engagent. Ces débats ne doivent pas être artificiels ; il faut que chacun exprime son vrai sentiment sur la question examinée, sans craindre de dire ce qu’il pense. S’il y a dans le rapport ne fût-ce qu’un peu de personnalité, les débats seront animés, j’en suis certain. De tels débats, sur Pouchkine par exemple, seraient une excellente leçon de marxisme-léninisme.
Quand on dit : étudier le marxisme-léninisme, on croit très souvent qu’il suffit pour cela de lire des auteurs marxistes : Marx, Engels, Lénine, Staline. Mais il faut encore autre chose : il faut lire chaque livre en marxiste, en léniniste, en staliniste. Prenons Tchernychevski, par exemple ; on peut le lire de différentes manières. Le lecteur avancé des années 60-70 le lisait à sa façon ; le lecteur libéral d’alors le lisait à la sienne ; et nous, marxistes-léninistes, le lisons à la nôtre. Nous le comprenons d’une toute autre manière. Faites un rapport sur l’œuvre de Tchernychevski ; analysez-la ; que les débats s’engagent et que les idées se polissent ; de la sorte, vous assimilerez mieux le marxisme-léninisme. Dans les débats, il faut avoir ses mots à soi, son langage propre. Chacun de vous a son langage propre, j’en suis persuadé. Il faut discuter ; et non pas artificiellement, mais sur le fond, c’est-à-dire de telle sorte que l’on en vienne sinon « aux mains », du moins à de sérieuses et ardentes contestations. Voilà comment la question doit être posée. Alors on fréquentera les cercles et on étudiera. C’est par cette méthode qu’on acquiert le mieux la connaissance du marxisme-léninisme.
Je crois que vous connaissez les textes mieux que moi, j’en suis même convaincu. Si nous avions à passer des examens ensemble, j’échouerais pour les textes, j’échouerais très certainement. Mais je suis sûr que je saurais mieux que vous aborder une question en marxiste, que je trouverais plus vite sous quel angle l’envisager, parce qu’une longue expérience, parce que la pratique enrichie par les discussions théoriques, ont aiguisé mes sens. Je sens l’erreur d’une définition inexacte. C’est donc que j’ai acquis un sens nouveau, un sens qui s’est formé au cours des discussions et des contestations théoriques et qui m’a appris à être attentif. Voilà pourquoi il faut habituer les gens à la discussion et non pas la craindre. C’est uniquement ainsi que votre pensée et votre langage se poliront. Quand vous saurez qu’on discutera avec vous chacune de vos conclusions erronées et de vos définitions inexactes, vous vous montrerez plus attentifs à chercher la solution juste.
Ainsi donc, si vous voulez comprendre le marxisme-léninisme et posséder cette théorie, les rapports, les exposés et les débats sur la base d’études personnelles vous seront de la plus grande utilité. L’étude personnelle doit être à la base de l’étude du marxisme-léninisme.
II. La tache principale de l’instituteur est de former un homme nouveau, un citoyen de la société socialiste
Et les enfants ? Comment étudient-ils ? Quels sont vos rapports avec eux ? Peut-être en a-t^on parlé hier ; en tout cas, aujourd’hui personne n’a rien dit à ce sujet. Un camarade a déclaré en passant : « Un service permanent a été établi dans les habitations ouvrières, pour que les enfants ne troublent pas trop l’ordre. » J’ai bien entendu, n’est-ce pas ? (Des voix dans la salle : « Oui. »)
Vous voulez donc que l’enfant soit un être falot, qu’il ressemble à un homme de 45 ans ayant l’estomac un peu délabré ? (Rires.) Ou vous voulez peut-être qu’il soit exactement pareil à vous, adultes ? Mais voyons, les enfants ont beaucoup trop d’initiative pour cela ! Si j’étais instituteur, et si les enfants se montraient par trop espiègles, mais en faisant preuve d’une certaine hardiesse, je ferais en sorte d’encourager cette hardiesse ; je les gronderais un peu pour leur espièglerie, et je m’en tiendrais là. Il faut distinguer, bien sûr : il y a espièglerie et espièglerie.
Si vous me demandiez ce qu’on exige avant tout de l’instituteur en ce moment, je répondrais : former un homme nouveau. (Nous le répétons souvent, et je ne vous dis rien de neuf.) Chez nous l’homme nouveau de la société socialiste est en train de se créer. A cet homme nouveau, il faut inculquer les plus belles qualités humaines. Car l’homme, même nouveau, l’homme socialiste, ne sera pas un être auquel les sentiments humains feront défaut. Un homme est un homme ; il faut partir de là.
Quelles sont donc les qualités humaines qu’il importe d’inculquer ? C’est en premier lieu, l’amour, l’amour de son peuple, l’amour des masses travailleuses. L’homme doit aimer ses semblables. S’il aime ses semblables, il sera plus heureux, plus joyeux, car nul au monde n’est plus malheureux que le misanthrope, l’ennemi du genre humain. Sa vie est la plus pitoyable de toutes.
En deuxième lieu : la loyauté. Il faut accoutumer l’enfant à être loyal. J’estime que pour y parvenir l’instituteur doit employer systématiquement tous les moyens pédagogiques. Ne pas mentir, ne pas tromper, être loyal lui-même.
En troisième lieu : le courage. L’homme socialiste est l’homme du travail ; il veut conquérir le monde, non seulement la terre, mais encore l’univers, dont sa raison aura reculé les bornes.
En quatrième lieu : la camaraderie. La camaraderie doit exister. Ne serait-ce que parce que nous nous trouvons dans un encerclement capitaliste, parce qu’une campagne de calomnies systématique est déclenchée contre notre Union, et que chaque bourgeois attend avec impatience le moment propice pour écraser l’Union soviétique. Certes, il attendra longtemps ! Mais il faut qu’un mur d’acier défende l’Union soviétique. L’U.R.S.S. sera plus forte si dès l’enfance l’homme soviétique est éduqué dans un esprit de camaraderie, de vraie et forte camaraderie dès les bancs de l’école. Alors il lui sera plus facile, à l’Armée rouge ou au front, de ne faire qu’un avec ses camarades de combat. Un même amour de la patrie socialiste les unira.
En cinquième lieu, il faut aimer le travail. Non seulement l’aimer, mais encore travailler loyalement en se souvenant bien que si quelqu’un vit et mange sans travailler, c’est qu’il se nourrit du travail des autres. Point n’est besoin, en m’adressant à vous, que j’insiste là-dessus. C’est à vous de le faire devant vos élèves. Il faut insister tout particulièrement sur la question du travail. Nous disons souvent : « Le travail est une affaire de dignité. » Notre chef a lancé ce mot d’ordre : « Le travail est une affaire de dignité » ; mais c’est trop peu que de le répéter. Ce n’est pas ainsi qu’on exécute la volonté du chef, la volonté du Parti et du peuple. Il faut que les enfants voient concrètement que le travail est une affaire de dignité. Vous ne tromperez pas un enfant. A la moindre fausse note, il cessera de vous croire.
On pourrait poursuivre cette énumération de qualités de l’homme nouveau, mais je m’arrêterai là. Ce sont les qualités d’un marxiste-léniniste. Mais ce sont aussi celles de tout homme honnête et de bon jugement. Ce qui fait la valeur de notre théorie, c’est qu’elle exige de nous ce qu’on exige d’un homme honnête et de bon jugement.
La discipline est une chose qui va de soi : elle découle des qualités dont je viens de parler. Les enfants aiment à tout briser, à tout casser. N’avons-nous pas nous-mêmes été ainsi ? C’était une joie pour nous de nous glisser dans les jardins d’autrui : une pomme volée nous semblait meilleure que si nous l’avions cueillie dans notre jardin ou que si nous l’avions achetée. Disons pourtant que l’on doit veiller précieusement sur toutes les valeurs, les ménager. Il faut non seulement briser, mais encore créer : tout est là. Nous ne faisons pas que briser l’ancien ; nous bâtissons aussi du nouveau.
Je crois que pour être vraiment un instituteur il ne suffit pas d’être devenu instituteur ; il faut être né instituteur. Le travail de l’instituteur comporte beaucoup de difficultés, et ses responsabilités sont grandes. Certes, il doit avant tout enseigner les matières du programme ; mais de plus il doit se rappeler que les élèves imitent leur maître. Voilà pourquoi l’idéologie de l’instituteur, sa conduite, sa vie, sa façon de considérer chaque fait influent, d’une manière ou d’une autre, sur tous ses élèves. Souvent, cette influence est imperceptible. Mais ce n’est pas tout. On peut dire que si l’instituteur a beaucoup d’autorité, les traces de son influence subsisteront chez certains de ses élèves durant toute leur vie. Voilà pourquoi dl est si important que l’instituteur s’observe, qu’il sente que sa conduite et ses actes se trouvent sous le plus rigoureux des contrôles. Des dizaines d’yeux d’enfants sont fixés sur lui, et rien n’est plus attentif, plus perspicace, plus sensible aux différentes nuances de la vie psychologique, rien ne saisit mieux toutes les différences délicates qu’un œil d’enfant. Il ne faut pas l’oublier.
Mais n’allez pas en déduire que vous deviez manquer de naturel ! Cela ne vaut pas mieux, et vous feriez fausse route. Le naturel et la loyauté sont indispensables à l’instituteur dans toutes les questions qu’il a à résoudre, notamment celles qui concernent les enfants, telles les punitions, etc. Supposons qu’un garçon ait brisé une vitre ou malmené une fillette, ou qu’au, contraire une fillette ait malmené un garçon. Il faut non seulement considérer le fait en lui-même, mais aussi, tenir compte de la manière dont le règlement de la question agira sur la psychologie de l’enfant. Il le faut absolument. Car les enfants ont également leur « code de l’honneur». Supposons que des gosses se sont battus, et que l’un d’eux, qui a eu le nez cassé, se soit plaint. Même un garçon resté neutre l’en blâmera et dira : « Tu n’es qu’un cafard ; tu te bats, et après tu vas rapporter ! »
L’essentiel, c’est d’être loyal avec les enfants, de s’observer ; c’est de faire de nos enfants des citoyens réellement bons, vraiment socialistes, honnêtes et braves, possédant un sentiment de camaraderie très développé, disciplinés dans la mesure où le permet la psychologie enfantine, autant que cela est possible à des enfants.
Et enfin, camarades, il faut que longtemps encore les enfants gardent de l’école des impressions très vives, les meilleures impressions et les meilleurs souvenirs. Si vous faites en sorte que dans la mémoire de vos élèves leurs années d’études restent à jamais de belles années, ce sera déjà bien.
C’est là, ce me semble, ce qu’on demande surtout à un instituteur.
III. Porter ses connaissances dans les masses populaires, participer jour après jour à la vie sociale : tel est le devoir de chaque instituteur
Je m’arrêterai à présent sur les questions de la vie sociale. Ici il importe que l’instituteur connaisse de près les hommes, la réalité, qu’il apprenne à s’orienter aussi dans les conditions du milieu donné. Il va sans dire que l’idéal serait que tous nos instituteurs, que tous nos cadres d’intellectuels possédassent à fond le marxisme-léninisme. Mais il ne serait déjà pas si mauvais qu’ils en connussent au moins les principes généraux. Ce ne serait déjà pas si mal, pour les communistes comme pour les sans-parti. Je vous garantis que certains sans-parti connaissent mieux le marxisme-léninisme que certains membres du Parti. Il est vrai qu’ils sont peu nombreux. Ici, il faut apprendre à aborder en marxiste les faits de la vie locale, à en donner une analyse exacte. Or, dans les rapports que vous faites à la population et dont vous avez parlé ici, il n’est nullement question de la vie locale. Aucun de ceux qui ont pris la parole ici n’a dit avoir fait un rapport sur un événement local. Il y a des naissances, des morts, des mariages, des noces qu’on célèbre, une foule de faits sociaux… N’y a-t-il donc rien à en dire ? Ne peut-on donc pas en parler ? Les sujets manqueraient-ils ?
L’édification kolkhozienne, le développement de l’économie, tout cela éveille la pensée du kolkhozien, l’associe aux vastes problèmes sociaux. La documentation nécessaire à des rapports pleins d’intérêt est plus que suffisante.
Les kolkhoz forment des hommes sortant de l’ordinaire ; des rapports consacrés à ces hommes, où l’on tirerait certaines conclusions, où ils seraient montrés avec leurs qualités et leurs défauts, provoqueraient sans nul doute des débats animés. Une saine discussion autour de rapports de ce genre rehausserait le rôle social du kolkhozien, augmenterait, le respect dû au travail kolkhozien.
Au kolkhoz voisin la récolte est de 10-12-15 quintaux à l’hectare, alors que dans le vôtre elle n’est que de 5 ou 6 quintaux. Pourquoi une telle différence ? Voilà un sujet de rapport tout trouvé.
En un mot, si vous vous occupez de la vie paysanne, si vous voulez travailler parmi la population, faites en sorte d’être en contact direct, étroit avec la vie, afin que vos rapports émeuvent et touchent les cœurs. Nul doute qu’on viendra alors les écouter. Il est clair que les événements sociaux et politiques de notre pays et du monde entier fournissent toujours des matériaux en quantité plus que suffisante.
Enfin, il faut que les rapports soient librement discutés et qu’on soit plus tolérant en ce qui concerne la forme des interventions. L’essentiel, c’est que l’idée fondamentale du rapport soit comprise, et que ceux qui participent aux débats disent ce qu’ils en pensent sans s’occuper de la forme en se rappelant bien que la forme est chose qui s’acquiert. L’important, c’est d’avoir des idées à soi.
Il faut, dans la vie sociale, que partout où il le peut, où l’on demande son avis, l’instituteur parle en toute franchise. Il faut que les paysans respectent en lui l’instituteur, mais aussi l’homme. N’oubliez pas que c’est là une question politique. Une question profondément politique. Si vous voulez que l’instituteur occupe la situation, qui lui revient, faites en sorte qu’il soit impartial, qu’il ne craigne pas d’exposer son point de vue sur tel ou tel problème. Quand il s’agit de régler des questions intéressant les paysans, l’instituteur peut évidemment être d’une certaine aide puisqu’il est citoyen de l’endroit et qu’il prend part à toute sa vie économique et politique.
Mais c’est surtout dans le domaine culturel que l’instituteur peut venir en aide au paysan.
La notion de culture est très vaste : elle s’étend des mesures d’hygiène les plus élémentaires aux ultimes sommets de la pensée humaine. Et dites-vous bien qu’ici plus que partout ailleurs, il est facile de glisser dans le philistinisme. Des mains propres, des vêtements soignés, un minimum de confort au logis, etc., sont des indices du niveau de culture de la population. Les réunions publiques, les cercles dramatiques, les soirées dansantes, etc., sont des indices de culture sociale. Les communistes y participent, car ils y voient avec raison des facteurs de développement culturel. Mais tout cela peut aussi devenir un passe-temps petit-bourgeois. Et pour bien voir où passe la ligne de démarcation entre le philistinisme et un véritable développement culturel, il faut beaucoup de culture et un grand sens politique. Le marxiste considère tout cela comme un moyen, comme un nouveau jalon dans la marche en avant. Mais pour le philistin, c’est un but en soi ; il s’attache à stabiliser ce qui est acquis ; il devient l’esclave de la situation qui s’est créée, il consacre une morale appropriée à cette situation, il endort la pensée. C’est contre quoi il faut lutter.
Il serait donc désirable qu’accomplissant un travail culturel, vous y introduisiez les notions de société et d’Etat, vous y introduisiez la politique ; sinon votre culture perdra l’orientation et revêtira les caractères d’une « culture de clocher » ; elle perdra le contact avec la culture et les besoins culturels intéressant l’ensemble de l’Etat.
L’œuvre culturelle que vous accomplissez, il faut la rattacher à l’ensemble de l’édification socialiste, pour que l’homme ne voie pas les choses isolément. Le philistin est un homme qui pense isolément, est détaché des autres, n’est lié à rien ni à personne.
C’est une tâche très difficile. Très difficile et très délicate, car il faut pour l’accomplir être soi-même cultivé. C’est exactement comme en musique. Un musicien percevra une fausse note dans un orchestre, alors que je ne remarquerai même pas toute une gamme fausse, car je n’entends rien en musique. Quand il y a une fausse note, il faut la corriger.
IV. L’instituteur doit mettre dans sa parole une âme et une pensée vivantes
Camarades,
J’ignore comment s’est déroulée votre séance d’hier. Mais aujourd’hui, je ne constate aucun échange de vues : chacun se contente de rendre compte de son travail, et certains l’enjolivent. Est-ce pour faire tous des rapports de ce genre que vous vous êtes réunis ici ? A vous entendre, une école ressemble à l’autre, et les gens sont tous les mêmes. Et moi qui croyais que vous vous étiez réunis ici pour « vous battre » !
Pourquoi vous efforcez-vous d’employer des formules toutes faites ? Vous êtes des instituteurs, alors vous savez le russe ! Et comprenez-vous ce que cela veut dire employer des phrases toutes faites ? Cela veut dire que votre pensée ne travaille pas, que votre langue seule travaille. Avec des phrases toutes faites, vous n’arriverez à produire aucune impression. Car on les connaît très bien sans vous. Vous avez peur de parler moins bien en vous servant de vos mots à vous. Vous vous trompez. On vous écoutera mieux, vos paroles atteindront mieux leur but.
Dans la vie vous êtes en contact étroit avec la paysannerie, avec la population. Mais quand vous parlez d’elle, ce contact a l’air d’être purement « technique » ; vous dites : on a organisé tant de réunions, il y a eu tant d’entretiens, comme si vous parliez non pas du côté vivant, mais du côté « technique » des rapports entre le paysan et l’instituteur. Pourtant vous voyez les gens ailleurs encore qu’aux réunions et au cours d’entretiens. Il faut parler du contenu de vos rapports avec la population. Ces rapports ont un côté politique, un côté psychologique, d’autres côtés encore, qui se manifestent dans une vie humaine normale. Dans votre exposé, ce contact étroit, organique, n’apparaît pas. Peut-être suis-je trop vieux et ne puis-je, pour cette raison, arriver à le saisir ?
En tout cas, je n’ai pas entendu un seul mot sur la nature des difficultés auxquelles vous vous heurtez, sur ce qui ne va pas. Vous vous bornez à répéter des phrases toutes faites. Cela donne à vos discours un caractère formaliste. Chacun doit s’attacher à parler son langage, celui que sa mère lui a enseigné. Le meilleur langage, c’est le langage maternel, croyez m’en ! Nous disons : instituteur, instituteur ; c’est une grande chose que d’être instituteur. Et cela est parfaitement juste. Mais qu’arrivera-t-il si l’instituteur n’a à la bouche que des formules toutes faites ?
Ainsi, vous qui avez pris la parole en dernier lieu, vous travaillez à la campagne, vous semblez satisfaite de votre situation ; de ce que vous avez dit il ressort qu’actuellement vous vivez très bien. Cependant, il me semble que si on lit le sténogramme de votre discours, on croira peu à ce que vous avez dit. Et cela, non pas parce que ce n’est pas vrai ; pas du tout. Tout d’abord on dira : Cette camarade se vante un peu ! Cela perce par endroits : moi, j’ai fait ceci, et j’ai fait cela. Dès qu’on sent que quelqu’un se vante un peu et cherche à se pousser, on se tient sur ses gardes. Je vous le dirai tout net : vous avez prononcé beaucoup de belles paroles, mais d’où le cœur était absent. Des paroles sans âme. Je ne veux pas dire par là que vous manquiez d’âme. Pas du tout. Je veux seulement dire ceci : ce que vous sentez réellement, vous cherchez à l’exprimer par des formules courantes. D’ordinaire, l’homme vivant exprime ses sentiments profonds par des mots à lui, des mots simples, sans recourir à des formules toutes faites. Si donc une personne plus ou moins instruite lit votre sténogramme, elle pensera : cela est factice. Oui, factice. Cela manque d’émotion. Des mots, des mots enthousiastes qui disent que vous êtes contente de votre travail, qu’il vous passionne ; mais des mots peu convainquants parce qu’ils ne sont pas à vous, parce que ce sont des poncifs. Me suis-je bien fait comprendre ? Ai-je raison, oui ou non ? Avouez que vous vous exprimez de façon peu naturelle. (Des voix dans la salle : « C’est exact. »)
Imaginez-vous à présent qu’on fasse devant la population un exposé, un rapport de ce genre. A votre avis, qu’arrivera-t-il ? On vous écoutera, et puis on s’en ira sans même poser de questions ; ou bien, si l’on en pose, on en posera très peu.
Aussi, la première chose que l’on demande à un instituteur, c’est d’avoir, quand il parle, son style à lui, le style qu’il tient de sa mère. Etudiez la grammaire pour parler correctement, mais usez d’un langage simple et naturel.
Je dirai que le travail de l’instituteur est un des plus difficiles qui soient. Il me semble même qu’il faut naître instituteur. Je parle ici de l’instituteur au vrai sens du mot. Il en est qui savent une foule de choses. J’en connais beaucoup qui possèdent parfaitement leur sujet, et si l’on fait d’eux des instituteurs, ils seront incapables de bien l’exposer. Il faut connaître son sujet, mais il faut encore savoir l’exposer de telle sorte que les auditeurs l’assimilent bien.
J’estime donc, quant à moi, que ce qu’il faut en tout premier lieu, c’est un langage normal. N’habituez pas les enfants aux clichés, aux formules toutes faites : ils leur entreront par une oreille et sortiront par l’autre.
Quand vous parlez, employez vos mots à vous. Les mots seront différents, mais le sens restera le même. Et vous verrez qu’on vous écoutera avec plus d’attention. Il faut qu’un mot soit dit en temps et lieu utiles, qu’il vienne tout naturellement. Ou alors, c’est qu’on parle comme une mécanique. Il faut que vos paroles s’enchaînent non pas mécaniquement, mais de façon organique, qu’elles traduisent votre pensée.
Evitez d’employer des formules toutes prêtes en vous fiant uniquement à votre mémoire sans faire travailler vos méninges. Que le langage dans lequel vous vous entretenez avec la population soit simple et bien à vous ; ayez un style naturel. Si votre style n’est pas naturel, il aura un arrière-goût qui rebutera. Beaucoup d’entre vous se rappellent peut-être (ou plutôt non : ils ne se rappellent pas) ces vieilles dévotes qui allaient de monastère en monastère. Elles étaient nombreuses dans notre pays avant la Révolution. Toutes psalmodiaient exactement de la même manière : « Seigneur, la mère de Dieu m’a jugée digne de contempler ta face sainte. » Il ne faut pas leur ressembler. Notre langue est riche ; ne l’écorchez pas, ne la gâtez pas, et n’apprenez pas aux enfants à le faire. De quelle manière ? En exigeant d’eux qu’ils réfléchissent avant de parler au lieu de parler avant de réfléchir. C’est là l’essentiel.
Telles sont les tâches qui se posent devant nos instituteurs. Dans l’ensemble, ils doivent être encore plus cultivés. Cultivés, non seulement en ce qui concerne la matière qu’ils enseignent, mais cultivés dans toute l’acception du mot ; il faut qu’ils aient des besoins culturels étendus. Vous voyez vous-mêmes qu’à la ville et à la campagne, la population, dont le progrès culturel marche à pas de géant, présente de grandes exigences dans ce domaine.
Notre vie se fait de jour en jour plus complexe ; elle exige de tous nos travailleurs, et dans tous les domaines, un « plafond » toujours plus élevé. Si à l’heure actuelle le « plafond » de l’instituteur, par exemple, est de deux mètres, il faut qu’il soit au moins de deux mètres et demi.
Les camarades ont parlé ici du manque de journaux. Il y a pénurie de journaux, c’est entendu. Mais voulez-vous que je vous dise ? Le journal ne peut suffire à votre développement culturel. Il faut un journal pour pouvoir s’orienter politiquement à chaque moment donné ; il est d’une utilité courante. Mais pour élever son niveau de culture, il faut se tourner vers l’histoire de la culture, vers tout l’héritage culturel de l’humanité. Il faut connaître la littérature russe et surtout la littérature proprement dite. Cela est indispensable. L’instituteur a affaire au matériel humain le plus jeune et le plus impressionnable. La littérature, c’est un riche panorama de types humains — du moins c’est mon avis. Et tous ces types, vous les voyez dans les situations les plus variées. Voilà pourquoi c’est pour ainsi dire une obligation professionnelle pour vous que de connaître les belles-lettres. Voilà pourquoi élever son niveau de culture, c’est en premier lieu connaître la littérature. C’est elle surtout qui enrichit l’homme, et qui (j’en juge par mon expérience) lui donne la possibilité de progresser, de mieux comprendre ses semblables.
Voilà ce que j’avais à vous dire. J’aurais pu parler, parler sans fin ; dans votre domaine les questions névralgiques sont nombreuses. Le principal, l’essentiel, ce que je voulais vous dire, vous l’avez entendu. Et maintenant je souhaite que rentrés chez vous, vous n’oubliiez pas mes vœux. (Vifs applaudissements.)
Des tâches de l’intelligentsia soviétique, pp. 31-45, Editions Gospolitizdat, 1939