Le 17 juin, une singulière manifestation a eu lieu sur la place Saint-Paul à Liège, devant les bureaux de la FGTB. Près de 500 ouvriers se sont rassemblés pour soutenir deux délégués de la FGTB Métal : Gianni Angelucci et Basilio Rotolo. Tous deux ont été exclus de la FGTB par le comité provincial du syndicat.
Gianni Angelucci était délégué syndical à la FN Herstal depuis 24 ans, président de la délégation et toujours élu haut la main par les ouvriers de l’usine ; il était également animateur dans le cadre des formations chez les métallos depuis 17 ans. Basilio Rotolo, quant à lui, était délégué syndical chez Mecaspring depuis 22 ans et président de la régionale de Herstal de la FGTB Métal ; il était également animateur.
On ne leur a pas seulement retiré leur mandat ; ils ont carrément été exclus du syndicat ! Aucun motif n’a été donné si ce n’est l’organisation, sans en avoir demandé l’autorisation, d’un arrêt de travail le jour de la commémoration de la célèbre grève des femmes à la FN (voici un documentaire intéressant sur cette grève des ouvrières : https://www.ina.fr/…/cpf07011350/liege-une-greve-de-femmes). A ce sujet, Gianni s’exprime dans la presse : « Certains des reproches sont sur la grève du 8 mars. On a mis trop de monde dans la rue sans demander l’autorisation. Donc, je pensais qu’à la FN et même dans la FGTB, la lutte pour le droit des femmes, c’est quelque chose d’intéressant. Manifestement, place Saint-Paul, au quatrième étage, ça ne l’est pas. Nous sommes exclus, mais on ne va pas se laisser faire. » Remarquons également que l’arrêt de travail était couvert par un préavis de grève fédéral…
Un autre reproche porte sur le fait que, suite à l’arrêt de travail du 8 mars, les deux délégués ont informé les affiliés qu’il y aurait un problème avec le paiement de l’indemnité de grève (les dirigeants de la place Saint-Paul avaient décidé de ne pas l’octroyer). En quoi au juste est-ce punissable ? N’est-ce pas au contraire légitime et sain d’informer en toute transparence les affiliés de la base ? Apparemment pas quand cela met les décideurs de la place Saint-Paul face à leurs contradictions !
A part ces motifs en carton: rien, nada !
Il faut savoir que Gianni Angelucci et Basilio Rotolo commençaient déjà à être mis à l’écart avant leur exclusion du 17 juin : en mars 2024, ils s’étaient vu retirer, avec deux autres militants, leur mandat d’animateurs MWB, et ce sans recevoir le moindre motif. Face à cette décision arbitraire, plusieurs autres animateurs avaient ensuite démissionné.
Pourquoi donc ont-ils été mis à l’écart puis jetés dehors ?
Ceux qui ont décrété leur exclusion, ce sont les barons de la place Saint-Paul. Ces barons sont des bureaucrates coupés de la base et de la réalité de terrain. Ils vivent confortablement dans leurs bureaux et jouissent de privilèges les tenant bien éloignés de la condition et des besoins des ouvriers qu’ils sont censés représenter. La grève et la lutte sont des gros mots pour eux. A force de s’encroûter dans leurs privilèges et dans le copinage, ils se sentent intouchables et méprisent la démocratie quand elle leur est défavorable.
Gianni Angelucci et Basilio Rotolo sont (étaient) quant à eux des délégués de terrain actifs qui défendent les ouvriers au quotidien et pour qui la grève n’est pas un gros mot mais une nécessité. « Nous voulons, déclare Basilio, un syndicat de combat et non un syndicat de services. » Forts d’une solide expérience de terrain et dans la lutte syndicale, ils sont très respectés et soutenus par les ouvriers de leur usine, comme en témoigne la mobilisation du 17 juin. De tels délégués se heurtent inévitablement aux aristocrates syndicaux qui les voient comme des éléments perturbateurs (de la routine bureaucratique !), comme des agitateurs dérangeants, voire comme une menace pour leur pouvoir. Alors quand ils deviennent trop « dérangeants », trop influents, quand ils secouent trop le cocotier, ils sont mis à l’écart ou excommuniés. C’est en l’occurrence ce qui s’est passé.
Ces exclusions arbitraires font du remous parmi les affiliés. Beaucoup de travailleurs sont dégoûtés qu’on vire leurs délégués; les désaffiliations et les marques de mécontentement se multiplient. « Les représentants qui sont censés nous représenter ont oublié ce que c’était la FGTB, indique un ouvrier présent au rassemblement du 17 juin. Pour moi, c’est un règlement de comptes. […] Gianni Angelucci, on connait la personne : c’est quelqu’un de valeur, c’est quelqu’un qui se bat, c’est quelqu’un qui a une grande gueule comme on dit, et ça, ça fait tache ici car ils [en montrant la place Saint-Paul], ne veulent plus ça. Et Basilio aussi ; ce sont les mêmes, donc c’est pour ça que c’est ces deux-là. Ça me désole. ».
Dites-vous que cette affaire n’est que la pointe de l’iceberg : outre Gianni et Basilio, c’est plusieurs dizaines de délégués de Herstal qui sont dans le viseur des barons de la place Saint-Paul. Et cela va bien sûr au-delà de Herstal : des tas de délégués combatifs sont étouffés au quotidien, brimés et entravés par la bureaucratie et l’aristocratie syndicales. C’est une réalité indéniable.
Les excommuniés n’ont pas dit leur dernier mot : ils comptent bien mobiliser leurs nombreux soutiens. Avec Rupture & Renouveau, nous les soutenons naturellement face aux seigneurs syndicaux. Il est temps de démasquer ces opportunistes, de mettre la lumière sur leurs pratiques trop souvent étouffées. Ils disent représenter les travailleurs mais ils nuisent en fait au mouvement ouvrier et trahissent les intérêts de la classe ouvrière. Il faut les combattre au nom de tous les ouvriers et de tous les délégués de la base qui cherchent à agir, à lutter, à aller de l’avant…
Soutien à Gianni Angelucci et à Basilio Rotolo ! Ce sont les barons de la place Saint-Paul qui n’ont pas leur place dans le syndicat !