La crise que l’on traverse profite à Amazon ; ses commandes sont en pleine hausse. Ce lundi 20 juillet, son propriétaire, Jeff Bezos, a empoché pas moins de 13 milliards en cette seule journée ! Depuis le début de l’année, il a vu sa fortune augmenter de 74 milliards de dollars. Elle atteint désormais près de 190 milliards de dollars.
Derrière le visage glabre de Jeff Bezos et chaque colis commandé sur Amazon se cache un très vaste travail humain. Dans de gigantesques entrepôts implantés aux quatre coins du globe, des chaînes de milliers de travailleurs traitent les objets et cartons à livrer. Au total, en début d’année, on comptait près de 800.000 salariés. Et ce chiffre ne fait que croître. Pour se figurer à quel point c’est colossal, on peut se rappeler que c’est davantage que la population de certains petits pays comme, par exemple, l’Islande (qui compte environ 360. 000 habitants).Salaires bas, contrôle serré de la productivité des travailleurs, mise en concurrence des salariés entre eux, syndicalistes muselés, travail pénible et très intense, cadences épuisantes, pauses largement insuffisantes, accidents du travail nombreux… Pour les milliers de salariés de la multinationale, on est loin du slogan « Work hard. Have fun. Make history » (« Travailleur dur. Amuse-toi. Écris l’histoire »). C’est plutôt « Profit is everything » (« Le profit, c’est tout »).
Les témoignages ne manquent pas. Une enquête publiée par le journal britannique The Sun met en lumière la pression impitoyable des managers qui fait craindre aux travailleurs de prendre ne fût-ce que 30 minutes de pause au cours de la journée (The Sun, 15 avril 2018). Un journaliste français, Jean-Baptiste Malet, s’est infiltré dans un entrepôt en France pour voir « l’envers de l’écran ». Il explique notamment ceci : « Je m’attendais à un travail pénible, à la culture à l’américaine, mais pas à devoir subir des discours moralistes. Chaque jour on vous demande d’être meilleur que la veille. […] Les travailleurs chez Amazon, loin, très loin des progrès du XXIe siècle, ont des conditions de travail qui sont dignes du XIXe siècle. » (Le Monde, 16 décembre 2013). Dans un article publié par le quotidien 20 minutes, on peut lire ces propos, frappants, d’un travailleur : « On est comme des robots devant générer des lignes de code, sauf qu’à la moindre erreur, c’est le recyclage. » (20 minutes, 19 juillet 2019).
Amazon a connu de nombreuses grèves comme l’an dernier où des milliers travailleurs d’Europe et des États-Unis ont débrayé de façon coordonnée pour réclamer de meilleures conditions de travail. Durant la crise du COVID, plusieurs grèves ont eu lieu pour protester contre l’absence de mesures sanitaires de base et les pressions sur les salariés pour qu’ils continuent le travail en pleine pandémie. Au cœur de la crise, Amazon a fait travailler à plein régime ses milliers de salariés, la plupart du temps au mépris des conditions sanitaires minimales et alors que la majorité des biens livrés ne sont pas essentiels.
Mme Christy Hoffman, secrétaire générale d’UNI Global Union, la confédération internationale regroupant les principaux syndicaux chez Amazon, a raison quand elle déclare « Depuis des années, Amazon s’ingénie à échapper à l’impôt en optimisant fiscalement ses sociétés partout où elles s’installent. Et aujourd’hui, c’est cette même entreprise qui tire le plus grand profit de cette crise historique ! » (Le Monde diplomatique, avril 2020).
Il est par ailleurs intéressant de noter que les dépenses de la multinationale en lobbying sont en hausse constante depuis plusieurs années. En 2018, c’est près de 14 millions de dollars qui sont passés en lobbying aux États-Unis. De quoi se tailler des réglementations sur-mesure…
L’organisation au sein de cette gigantesque entreprise est extrêmement développée. Tous les outils et toutes les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies sont exploités. Plus de 200.000 robots et la technique la plus sophistiquée entourent les travailleurs qui en sont les appendices. Cette technique et ces outils avancés pourraient servir à merveille les besoins de la société et des travailleurs. Mais plutôt que d’alléger le travail, ils le rendent plus intense et pénible, davantage contrôlé… ; ils ne servent que la quête de profit de Jeff Bezos et des actionnaires. Pourquoi ? Car Amazon est leur propriété privée.
Pour conclure, le système capitaliste ne peut qu’être dépassé et remplacé, des suites d’une lutte de classe acharnée, par un système dans lequel les moyens de production et les leviers économiques seront propriété sociale et serviront les intérêts de la société.