Tout au long de la révolution russe et même après la prise du pouvoir, la ligne bolchevique dut lutter contre diverses lignes opportunistes. L’une de ces plus importantes tendances anti-marxiste était le trotskisme, nommé d’après son auteur, Léon Trotski. Trotski était un membre du POSDR qui, au moment de la scission entre les bolcheviks et les mencheviks, s’était rangé du côté des mencheviks. Plus tard, il avait essayé de former un bloc distinct des tendances bolcheviks et mencheviks et s’était défini luimême comme un “centriste” qui réunirait les deux groupes. Après le succès de la Révolution de Février, il s’était autocritiqué pour ses erreurs et avait été admis dans le parti bolchevik, prenant place au Comité central. Après la Révolution d’Octobre, il avait été Commissaire aux Affaires Étrangères (1917-1918) et Commissaire aux Affaires Militaires et Navales (1918- 1924), des postes dont il avait été éliminé pour ses activités opportunistes et factionnelles.
Dans la période de la construction du socialisme en particulier, le trotskisme joua un rôle très perturbateur et factionnel. Staline mena le Parti dans une lutte ferme contre l’opportunisme trotskiste. Les trois caractéristiques spécifiques du trotskisme, qui furent décrites par Staline dans son discours Trotskisme ou Léninisme ? sont les suivantes :
1) La théorie de la révolution permanente : Selon cette théorie, Trotski proposait que le prolétariat passe rapidement de l’étape démocratique bourgeoise au stade socialiste de la révolution sans l’aide de la paysannerie. Il s’opposait donc à toute discussion sur la dictature du prolétariat et de la paysannerie. Il a donc rejeté le rôle de la paysannerie, pourtant l’allié le plus fort du prolétariat. Cette théorie, qui a l’air très à “gauche”, signifiait, en réalité, la trahison de la révolution, car, sans la paysannerie, il n’y avait aucun espoir de succès pour le prolétariat et la révolution aurait fini par échouer. Un autre aspect de cette théorie était que la révolution dans les pays capitalistes avancés était nécessaire pour la construction du socialisme. Sa théorie de la révolution permanente était aussi une théorie de la révolution mondiale, qui proposait que, bien que la révolution débutait sur une base nationale, les révolutionnaires devaient immédiatement travailler à la répandre dans d’autres pays. Encore une fois, cette proposition apparaît très à “gauche”, mais sa réelle signification était une analyse défaitiste qui s’opposait à la possibilité de construire le socialisme dans un seul pays.
Lénine s’opposa à cette théorie anti-marxiste dès qu’elle apparut dans la période qui suivait la révolution de 1905, lorsque Trotski ne faisait pas partie de la tendance bolchevik. Cependant, elle se manifesta de diverses façons et dut être combattue à divers moments après la Révolution d’Octobre, lorsque Trotski rejoignit le Parti bolchevik et en devint l’un de ses principaux membres.
La première fois fut immédiatement après la Révolution, pendant les négociations de paix avec l’Allemagne. Trotski, sur la base de sa théorie, voulait que la guerre se poursuive, car il pensait que cela aiderait la situation révolutionnaire en Allemagne et que le succès de la révolution en Allemagne, un pays capitaliste avancé, était plus important que la consolidation de la Révolution Russe. Lénine et Staline s’opposaient avec force à cet argument, mais le 7ème Congrès dut être appelé de façon extraordinaire pour discuter et défaire cette interprétation.
Un autre exemple de cette théorie fut la lutte de l’opposition trotskiste contre l’introduction de la NEP. Étant un adversaire de l’alliance avec la paysannerie, Trotski estimait que le NEP n’était rien de plus qu’une retraite. Il n’acceptait pas le besoin de préserver cette alliance et de préparer le terrain pour la construction du socialisme. Encore une fois, cette interprétation devait être combattue et fut vaincue lors du 10ème Congrès du Parti. Une troisième illustration de ces désaccords fut le moment de passer de la NEP à l’industrialisation socialiste. À cette époque, Trotski s’était uni à d’autres éléments pour suggérer qu’il n’était pas possible de construire le socialisme dans un seul pays. Cette proposition, basée sur la “révolution permanente” de Trotski et la “révolution mondiale”, aurait signifié une approche défaitiste et opportuniste à l’égard de la construction du socialisme qui supposait fonder le succès du socialisme en Russie sur le succès de la révolution dans les pays capitalistes développés. Staline unifia le Parti contre cette interprétation au 14ème Congrès du Parti en 1925.
2) La deuxième caractéristique du trotskisme est son opposition aux principes du Parti Bolchevik. L’opposition de Trotski au centralisme démocratique et au concept du Parti Léniniste apparurent dès le début dans son soutien aux mencheviks lors de la scission avec les bolcheviks. Plus tard, en 1912, il unifia toutes les tendances opportunistes comme les Liquidateurs et les Rappellistes pour former une faction appelée le « Bloc d’août ». En prétendant être un « centriste » qui allait réunir les bolcheviks et les mencheviks, Trotski soutenu entièrement les mencheviks et travailla en collaboration avec eux. Lénine, soutenu par Staline et divers autres, s’opposèrent et se battirent contre ce bloc opportuniste.
En 1923, alors que Lénine était gravement malade, Trotski profita de la mise à l’écart de la direction de Lénine pour exiger le retrait de toutes les règles du centralisme démocratique dans le Parti. Il unifia tous les éléments d’oppositions divers et variés pour formuler une Déclaration des 46, qui exigeait la liberté de factions et de groupes au sein du Parti Communiste. Cette demande de factionnalisme fut également vaincue.
Cependant, les demandes de Trotski pour la “liberté” et la “démocratie” étaient résolument opportunistes, dépendant du fait qu’il était ou non en position de prendre des décisions. Ainsi, lorsqu’il était au centre des prises de décisions en 1920, Trotski proposa la “militarisation” des syndicats et leur soumission à la discipline de l’armée. Il s’opposa à l’extension de la démocratie aux syndicats et à l’élection des organes syndicaux. Lénine, Staline et d’autres camarades menèrent la lutte contre cette interprétation et affirmèrent que les syndicats devraient fonder toutes leurs activités sur des méthodes de persuasion.
3) La troisième caractéristique du trotskisme était sa propagande répétée contre les dirigeants bolcheviks. Dans un premier temps, Trotski avait concentré toutes ses attaques sur Lénine. Après la mort de celui-ci, Staline devint l’objet de toutes les diffamations.
Ne parvenant pas à rallier le parti à sa cause dans un débat ouvert, Trotski se lança dans les manigances. En 1926, il mit sur pied une faction secrète avec une presse illégale et une propagande secrète. Cela fut découvert et il fut finalement expulsé du Parti. Il partit alors à l’étranger, mais continua à maintenir des liens avec d’autres factionnistes au sein du Parti. En 1929, un autre groupe (L’Opposition de Droite) fut formé sous la direction de Boukharine, membre du Bureau Politique, qui s’opposait à la lutte contre les koulaks et à l’avancement du processus de collectivisation de l’agriculture. Cette ligne fut elle aussi vaincue.
Dans les années 1930 cependant, le trotskisme cessa d’être une tendance politique au sein de la classe ouvrière. Trotski avait abandonné les tentatives de propagation ouverte de sa ligne anti-marxiste et s’était entièrement tourné vers des plans et des manœuvres secrètes. Trotsky et les principaux trotskystes d’Union soviétique nouèrent des liens avec les services de renseignement étrangers et commencèrent à travailler sur un plan visant à assassiner des éléments importants du parti pour en prendre la direction. C’est dans le cadre de ce plan que le camarade Kirov, alors second dans la hiérarchie après Staline dans la direction du Parti, fut assassiné en 1934. Durant les enquêtes qui suivirent, les principaux conspirateurs, dont beaucoup étaient membres du Comité Central, furent découverts. Des procès publics furent tenus et ils admirent leurs crimes. Beaucoup furent condamnés à mort et exécutés.