Bien entendu, personne ne nait marxiste, pas même Marx. Il doit y avoir un processus à travers lequel des idées et des opinions se développent et sont formulées avant de prendre la forme de base d’une idéologie. Naturellement, Marx et Engels durent aussi passer par là avant de découvrir et de comprendre les vérités fondamentales de ce que nous connaissons aujourd’hui comme le marxisme. Ce processus de pensée fut naturellement déterminé dans une large mesure par les expériences concrètes vécues par ceux-ci. Si nous voulons comprendre le marxisme, il nous faut donc nous intéresser brièvement aux vies de ces deux grands professeurs.
Karl Marx est né le 5 mai 1818, dans la ville de Trier, en Allemagne, qui faisait à l’époque partie de ce qui était appelé la Rhénanie Prussienne. Son père, Heinrich Marx, était un des avocats les plus renommés de la ville. Sa famille était aisée et cultivée, mais pas révolutionnaire. Ses deux parents venaient d’une longue lignée de rabbins juifs. Cela explique pourquoi, malgré leur richesse, ils durent faire face à des discriminations et à l’atmosphère antijuive qui régnait en Prusse. En 1816, le père de Marx se convertit de force au christianisme, car le gouvernement prussien d’alors avait promulgué une loi qui prévoyait d’empêcher les juifs de pratiquer le droit. De même, en 1824, une autre loi interdit aux enfants non-chrétiens d’entrer à l’école publique. Pour outrepasser cela, Heinrich Marx fût obligé de baptiser son fils Karl et ses frères et sœurs. Ainsi, bien qu’il ne croyait en aucune religion organisée, le père de Marx fût forcé d’adopter une nouvelle foi simplement dans le but de poursuivre sa carrière et de garantir à ses enfants une bonne éducation.
La ville natale de Marx, Trier, est la plus vieille ville d’Allemagne, qui fut pendant longtemps la résidence des Empereurs Romains et plus tard le siège d’évêques catholiques, avec une administration religieuse pour la ville et ses alentours. En août 1794, les armées françaises capturèrent la ville et instaurèrent une administration civile, amenant avec eux les idées de la Révolution. La ville ne revint dans les mains du roi de Prusse qu’à la défaite de Napoléon, en 1815. Trier gardait donc, durant le temps de la jeunesse de Marx, un impact fort des 20 ans d’idées révolutionnaires venues de France.
Trier était une petite ville, de taille similaire à nos grands villages actuels, avec une population d’à peu près 12 000 personnes. Elle était principalement le centre commercial et économique des régions environnantes, célèbres pendant des siècles pour leurs vignobles. Sa population était composée d’hommes et de femmes typiques d’une ville de « services » : des fonctionnaires, prêtres, petits marchands, artisans, etc. La ville avait été épargnée par la Révolution Industrielle et était par conséquent dans un relatif retard économique. Pendant la jeunesse de Marx, la ville comptait également un haut taux de pauvreté. Les statistiques officielles de 1830 indiquaient qu’une personne sur quatre était au chômage, bien que le taux réel devait être bien plus élevé. Les mendiants et les prostituées étaient nombreux et les chiffres des crimes mineurs comme le vol étaient extrêmement élevés. Par conséquent, dès son enfance, Marx fut le témoin de l’extrême misère des classes laborieuses.
Après être allé à l’école primaire, Marx intégra le collège Friedrich Wilhelm en 1831, duquel il gradua en 1835. Après 3 semaines, il fut envoyé poursuivre ses études à la faculté de Droit de l’université à 40 miles de Trier, dans la ville de Bonn (un important centre urbain). Marx, qui avait le désir d’apprendre le plus de choses possibles, s’inscrivit immédiatement dans 9 cours qui incluaient, en plus du Droit, de la poésie, de la littérature, de l’art… Dans un premier temps, il était rigoureux et se présentait à tous ses cours, mais il perdit rapidement son intérêt pour eux, et spécialement pour le Droit, qu’il trouvait aride et insatisfaisant. Il réduisit son nombre de cours à six, puis à quatre.
Il décida d’étudier par lui-même et se retrouva bientôt impliqué dans la tumultueuse vie des étudiants dont il deviendrait bientôt le chef de file. Puisqu’il était très intéressé par la poésie, il fut également membre du Poetenbund, un club de jeunes écrivains fondé par des étudiants révolutionnaires. Dans le combat constant entre les fils des seigneurs féodaux et des bourgeois, il devint rapidement le dirigeant d’un groupe bourgeois. Il était souvent impliqué dans des combats de rue et parfois même dans des duels à l’épée. Il gardait avec lui un couteau stiletto, qui lui valut d’être arrêté et fiché par la police. Il fut aussi condamné à un jour de prison étudiante pour cause de « nuisances nocturnes et ivresse ». Marx, dans un combat à l’épée, fut blessé à son sourcil droit. Cela conduisit son père à le retirer de l’université de Bonn et à le ramener à Trier en Août 1836.
Alors qu’il était à Trier, il se fiança secrètement à Jenny von Westphalen, la fille du Baron von Westphalen, un noble et haut fonctionnaire Prussien. Jenny, qui avait quatre ans de plus que lui, et Marx, étaient des amoureux d’enfance qui avaient décidé de se marier alors que Marx était toujours à l’école. Ils se fiancèrent avec l’accord des parents de Marx, mais sans celui de ceux de Jenny, qui n’a été obtenu qu’en 1837.
En octobre 1836, Marx déménagea à l’Université de Berlin, la capitale de la Prusse. L’université était bien plus grande qu’à Bonn, et elle était considérée comme un grand centre académique. Après s’être inscrit à ses cours, Marx fut immédiatement pris dans une tempête de travail. Il restait éveillé nuit après nuit, mangeant n’importe quand, fumant beaucoup et lisant d’épais livres tout en remplissant des carnets. Au lieu des cours formels, Marx préféra poursuivre ses études de son côté. Il travaillait à un tel rythme qu’il put se permettre de passer du Droit à la Philosophie, puis à l’Art, à l’écriture d’histoires et de pièces de théâtre et enfin de retourner à la Philosophie et à la Poésie. Son surmenage avait un très mauvais effet sur sa santé, particulièrement le tabac qui détruisait ses poumons, et il fut parfois forcé de se reposer. Mais il était toujours de retour à ses habitudes excessives, lisant tout, des plus anciens aux plus récents travaux des scientifiques et des philosophes. Il pencha vers la philosophie, car il était à la recherche du sens universel, de l’absolu en termes de principes, de définitions et de concepts.
Pendant sa deuxième année à l’Université, il rejoignit un groupe d’étudiants et de professeurs de philosophie nommé les Jeunes hégéliens. Ils étaient les disciples du célèbre philosophe allemand Frederik Hegel, qui avait enseigné à l’université de Berlin jusqu’à sa mort en 1830. Ils essayèrent de donner une interprétation radicale à la philosophie d’Hegel et cela leur a parfois valu le surnom d’Hégéliens de Gauche. Un des amis de Marx dans ce groupe, son meneur intellectuel, était un professeur nommé Bruno Bauer. C’était un militant athéiste qui attaquait constamment les enseignements religieux. Ces attaques, en plus des visions politiques radicales des Jeunes Hégéliens, firent d’eux des cibles pour les autorités prussiennes. C’est pourquoi quand Marx compléta sa thèse doctorale, il ne put obtenir son diplôme de l’Université de Berlin, qui était dominée par des réactionnaires nommés par le gouvernement prussien. Après avoir fini ses études à Berlin, il soumit sa thèse et obtint son Doctorat en avril 1841 de la part de l’Université à tendance libérale de Jena, qui était hors de leur contrôle.
Avec son diplôme, il espérait devenir professeur à l’Université de Bonn où Bruno Bauer avait été transféré en 1839. Mais Bauer lui-même était en difficulté à cause des perturbations que ses conférences anti-religion provoquaient chez les étudiants. Finalement, le Roi ordonna qu’on retire Bauer de l’Université de Bonn. Cela signifiait la fin de la carrière d’enseignant de Bauer de même que celle de tout espoir d’un poste d’enseignant pour Marx.
Celui-ci se concentra alors sur le journalisme, ce qu’il avait déjà entamé à peine sorti de l’Université. Cela lui permit de participer davantage au mouvement d’opposition démocratique radical qui se développait alors rapidement dans sa province de Rhénanie et dans la province voisine de Westphalie. Ces provinces avaient fait l’expérience des réformes anti-féodales libératrices apportées par les Français et étaient des centres majeurs d’opposition au Roi de Prusse. L’industrialisation avait également entraîné la croissance de la bourgeoisie, particulièrement à Cologne, la ville la plus riche de Rhénanie. Un fort soutien à cette opposition démocrate existait donc chez les industriels capitalistes, qui en avaient assez du contrôle excessif des féodaux.
Marx écrivit d’abord pour le Rheinische Zeitung (Gazette rhénane), un quotidien soutenu par de tels industriels, dont il devint le rédacteur en chef en octobre 1842. Entre les mains de Marx, le journal se transforma rapidement en un instrument de combat pour les droits démocratiques radicaux. Cependant, Marx se retrouva en conflit permanent avec les censeurs prussiens, très répressifs. Finalement, quand la gazette publia une critique du despotisme du Tsar russe, le Tsar lui-même fit pression sur le Roi prussien pour qu’il agisse. Le journal fut interdit et fermé en mars 1843. Marx commença alors à s’engager dans un projet de création d’un nouveau journal, le Deutsch-Franzosische Jahrbucher (Les Annales franco-allemandes).
De 1841 à 1843, Marx fût profondément impliqué dans la vie politique houleuse de l’époque. Cependant, il était fondamentalement un démocrate radical et n’avait pas, à cette époque, une perspective communiste. Un changement majeur survint dans sa vision de la philosophie en 1841, après la lecture d’un livre de Ludwig Feuerbach, L’Essence du christianisme, qui présentait une critique de la religion d’un point de vue matérialiste. Cet ouvrage joua un rôle majeur dans le passage des idées de Marx de l’idéalisme des Jeunes Hégéliens au matérialisme. Il fût également influencé par un autre travail philosophique de 1841, La Triarchie Européenne, qui était la tentative de son ami, Moses Hess, de développer une philosophie communiste en combinant le socialisme français avec les idées des Hégéliens de Gauche.
Cependant, à ce moment-là, Marx n’avait qu’une connaissance limitée des idées socialistes et communistes. Son premier contact avec elles fut en 1842, lorsqu’il lut avec intérêt les ouvrages de plusieurs des principaux théoriciens socialistes français. Il ne fut cependant pas converti au communisme ou au socialisme par ces lectures. Ce changement est davantage dû à ses contacts avec les groupes communistes ouvriers et à ses études d’économie politique, qui eurent lieu principalement après qu’il se soit installé à Paris à la fin de 1843.
Sept ans après leurs fiançailles, Marx et Jenny se marièrent en juin 1843. Pendant leur courte lune de miel en Suisse, Marx écrivit une brochure où il présentait ses premières critiques d’Hegel. Après ce voyage, il commença son étude et les préparations pour son déménagement à Paris pour éviter les censeurs prussiens et lancer Les Annales franco-allemandes, mentionné plus tôt. Cependant, bien que la publication de la revue avait été prévu mensuellement, elle s’effondra après un seul numéro, sorti en février 1844.
La période parisienne de Marx fut toutefois marquée par de nouvelles expériences très significatives. Son contact direct avec de nombreux groupes communistes et socialistes, dont Paris regorgeait plus que toute autre ville du continent, était de la plus grande importance. Au-delà de ses rencontres avec un grand nombre de théoriciens, Marx bénéficia grandement de sa fréquentation régulière des travailleurs révolutionnaires dans Paris. Parallèlement, Marx commença une étude de l’économie politique, durant laquelle il lut la plupart des travaux des célèbres économistes anglais. Les contacts révolutionnaires et la poursuite de l’étude eurent leur impact et se reflétèrent dans les écrits de Marx.
L’unique numéro des Annales était d’une importance cruciale, car il contenait la première grande généralisation d’une compréhension marxiste matérialiste de l’Histoire dans un article critiquant la philosophie d’Hegel. C’était dans cet article que Marx formula sa très importante vision quant au rôle historique du prolétariat. C’est aussi de là que vient sa célèbre phrase disant que la religion est l’opium du peuple. Ce même numéro contenait également un article d’Engels sur l’économie politique, qui présentait une compréhension matérialiste du développement du capitalisme moderne.
C’est l’intérêt de Marx pour les écrits d’Engels qui conduisit à leur rencontre à Paris entre le 28 août et le 6 septembre 1844, une rencontre historique qui permit aux deux grands penseurs de clarifier leurs idées et de poser les premières bases du marxisme. Bien qu’ils soient tous deux parvenus indépendamment à des conclusions similaires, cela les aida à compléter leur accord théorique. Ce fut à ce moment qu’ils parvinrent à une compréhension plus claire de la conception matérialiste de l’Histoire, la pierre angulaire du marxisme.
Friedrich Engels est né le 28 novembre 1820 dans la ville textile de Barmen, dans la province du Rhin en Prusse. Son père était le riche propriétaire d’une filature de coton et était un chrétien protestant férocement religieux avec une vision politique réactionnaire.
Barmen, comme Trier pour Marx, appartenait également à la partie de la Prusse qui avait connu vingt ans de conquête française, retenant ainsi ses influences progressistes. Cependant, sa principale caractéristique était qu’elle était un des plus grands centres industriels du Rhin, menant Engels à être témoin dès son plus jeune âge de la misère et de l’exploitation du prolétariat. Pour survivre contre la compétition des industries, les artisans étaient forcés de travailler de jour comme de nuit, noyant souvent leurs malheurs dans l’alcool. Le travail des enfants et les maladies pulmonaires causées par le travail étaient monnaie courante.
Engels alla à l’école de Barmen jusqu’à l’âge de 14 ans. Il fut ensuite envoyé dans un collège de la ville voisine d’Elberfeld (aujourd’hui les deux villes n’en forment plus qu’une), qui avait la réputation d’être une des meilleurs de Prusse. Engels était un élève intelligent qui manifestait une facilité précoce d’apprentissage des langues. Il faisait aussi partie d’un cercle de poète au sein des élèves et il écrivait ses propres poèmes et nouvelles. Il envisageait d’étudier l’économie et le droit, mais son père voulait faire de l’aîné de ses fils son successeur dans l’industrie. A l’âge de 17 ans, il fut subitement retiré de l’école et il dut rejoindre son père en tant qu’apprenti.
Même si c’était la fin de ses années d’études officielles, Engels continua à étudier pendant son temps libre des disciplines comme l’Histoire, la philosophie, la littérature et les langues. Il écrivait toujours de la poésie, car c’était une pratique à laquelle il était attaché. L’année suivante, en juillet 1838, Engels fut envoyé pour travailler comme commis dans une grande entreprise commerciale de la grande ville portuaire de Brême. L’atmosphère de la grande ville mit Engels en contact avec la presse et la littérature étrangère. Durant ses temps libres, il commença à lire des fictions et des livres politiques. Il continua à apprendre de nouvelles langues et, en plus de l’allemand, il acquis des connaissances en latin, grec, italien, espagnol, portugais, français, anglais, néerlandais, etc. Cette facilité à apprendre les langues se maintenue tout au long de la vie d’Engels durant laquelle il apprit à parler couramment plus de 20 langues, dont le perse et l’arabe. A Brême, il apprit aussi à devenir un bon nageur, épéiste, cavalier et patineur.
Pendant qu’il était à l’école, Engels avait combattu la bureaucratie de celle-ci. Devenu jeune adulte, il fût attiré par les idées démocratiques radicales de la révolution démocratique bourgeoise qui se dessinait alors en Allemagne. Le premier groupe auquel il se joignit fut le groupe littéraire de la Jeune Allemagne qui défendait des points de vus politiques radicaux. Il commença rapidement à écrire pour un journal qu’ils publiaient depuis la ville portuaire de Hambourg, non loin de Brême, dont deux articles sur la situation chez lui. Il y exposa l’exploitation sévère des travailleurs à Barmen et Elberfeld, les maladies dont ils souffraient, et le fait que la moitié des enfants de la ville étaient privés d’école et forcés à travailler dans les usines. Il y attaquait particulièrement la foi et la religiosité des capitalistes exploiteurs (incluant donc son propre père).
Vers la fin de 1839 il commença à étudier Hegel, dont il tentait de lier la philosophie à ses propres croyances démocrates. Cependant, il ne fit du progrès dans ce sens que lorsqu’il finit son stage à Brême en 1841, et, après quelques mois, il déménagea à Berlin pour un an de service militaire obligatoire.
Pendant qu’il effectuait son service, il s’inscrivit à l’Université de Berlin en tant qu’étudiant externe et fit un cours de philosophie. Il devint alors étroitement lié avec les Jeunes Hégéliens, le groupe dont avait fait partie Marx. Tout comme lui, le matérialisme que Feuerbach avait exposé dans son livre, publié la même année, l’avait fortement influencé. Les écrits d’Engels commencèrent donc à présenter des aspects matérialistes. La chose principale sur laquelle il mettait toujours l’accent était l’action politique. C’est ce qui le fit se séparer, en 1842, de son groupe de la Jeune Allemagne, dans lequel il se sentait limité à des débats littéraires. Il continua cependant à être fortement lié aux Jeunes Hégéliens, et particulièrement à Bruno Bauer et son frère.
C’est cette proximité entre Engels et les Bauers qui empêcha une amitié avec Marx, quand ils se rencontrèrent pour la première fois en novembre 1842. Engels venait de finir son service militaire et était en chemin pour rejoindre son père en tant que secrétaire à Manchester, en Angleterre. Sur la route, il rendit visite à Marx dans les bureaux des journaux de Cologne où il était rédacteur en chef. Marx avait cependant déjà commencé à critiquer les Jeunes Hégéliens, et particulièrement les Bauers, pour avoir concentré leur propagande trop sur la religion et pas assez sur la politique. Voilà pourquoi, en raison d’affiliations politiques différentes, Marx et Engels ne se rapprochèrent pas tant que ça lors de leur première rencontre.
Ce sont les expériences d’Engels en Angleterre qui firent de lui un communiste. Il développa des liens très étroits avec les ouvriers de Manchester, ainsi qu’avec les leaders des ouvriers révolutionnaires du mouvement chartiste. Manchester était le principal centre de l’industrie textile moderne mondiale, et bientôt Engels entreprit une étude approfondie des conditions de vie et de travail des prolétaires de la ville. Pour acquérir des connaissances concrètes, il visitait régulièrement les quartiers ouvriers. Dans ce processus, un amour naquit entre Engels et Mary Burns, une jeune ouvrière irlandaise qui deviendra plus tard sa compagne de vie et sa femme. En plus de récupérer de la matière pour son livre à venir sur la condition de la classe ouvrière en Angleterre, Engels en vint à comprendre le potentiel révolutionnaire du prolétariat. Sa participation régulière dans les mouvements sociaux le convainquit que la classe ouvrière n’était pas qu’une classe souffrante, mais qu’elle était surtout une classe combattante dont les actions révolutionnaires construiraient le futur.
Au-delà de ses contacts avec la classe ouvrière, Engels fit aussi une étude approfondie des différentes théories socialistes et communistes, et il rencontra même de nombreux chefs de file et écrivains français et allemands qui avaient formulé ces théories. Bien qu’il n’adopta aucune d’entre elles, il fit une analyse de leurs points positifs et négatifs. En même temps, il se mit à étudier de façon tout aussi attentive l’économie politique bourgeoise dans le but de l’aider à comprendre les relations économiques dans la société, car il commençait à sentir que c’était de là que venait la base de tout changement social. Il consignât les premiers résultats de son étude dans son article publié par Marx dans son journal tirée depuis Paris. Comme mentionné plus tôt, cela mena à une correspondance entre les deux hommes ainsi qu’à à leur rencontre historique en 1844.
Engels était sur le chemin du retour de Manchester vers sa ville natale de Barmen, quand il s’arrêta pour rencontrer Marx qui séjournait à Paris. Leurs discussions aidèrent Marx à mieux formuler sa compréhension matérialiste de l’Histoire qu’ils avaient tous les deux commencé à adopter. Au même moment, ils commencèrent à travailler sur leur premier livre commun, une attaque envers Bruno Bauer et les Jeunes Hégéliens auquel ils avaient tous les deux appartenu.
Engels passa les huit mois qui suivirent à faire une intense propagande communiste et du travail organisationnel en Allemagne. Pendant cette période, il était en révolte constante contre son père, qui s’opposait à ses idées communistes et voulait qu’il travaille dans son usine. Après deux semaines dans les bureaux de son père, Engels le rejeta complètement et quitta Barmen pour rejoindre Marx. A cette époque, ce dernier était devenu la cible des autorités féodales. Le Roi prussien avait fait pression sur le Roi français pour qu’il expulse Marx de Paris. Il avait été forcé à déménager vers Bruxelles en Belgique en compagnie de sa femme et de son enfant de huit mois. C’est là qu’Engels s’installa, juste à côté de chez de Marx.
Entre temps, Marx fit une étude approfondie et développa les principales caractéristiques de la nouvelle conception du monde dont ils avaient discuté à leur rencontre précédente. A Bruxelles, à la fois Marx et Engels avaient commencé un intense travail commun. Le but de ce travail était de développer, comme l’a dit Engels, cette nouvelle conception dans toutes les directions. Le résultat fut le livre historique, L’Idéologie Allemande, qui ne fut publié que presque cent ans après. Ce livre permit aux deux grands penseurs de clarifier leurs vieilles idées et de mettre en place les piliers de leur nouvelle pensée du monde, qui prendrait plus tard le nom de marxisme. Marx et Engels étaient devenus marxistes !