Immédiatement après la création de la République Populaire de Chine, le mouvement communiste international reconnut ouvertement l’importance de l’exemple de la révolution chinoise pour les colonies et les semi-colonies. Le 27 janvier 1950, un éditorial titré Pour une paix durable, Pour une démocratie populaire dans l’organe du Kominform, déclarait :
La voie choisie par le peuple chinois […] c’est la voie qui doit être prise par les peuples de beaucoup de pays coloniaux et dominés dans leur lutte pour l’indépendance nationale et la démocratie populaire.
L’expérience de la lutte victorieuse de libération nationale du peuple chinois enseigne que la classe ouvrière doit s’unir avec toutes les classes, les partis, les groupes et les organisations désireuses de lutter contre les impérialistes et leurs mercenaires et de former un large front à l’échelle nationale, dirigé par la classe ouvrière et son avant-garde – le parti communiste […]
Une condition décisive pour le résultat victorieux de la lutte de libération nationale est la formation, lorsque les conditions internes nécessaires le permettent, d’armées populaires de libération sous la direction du parti communiste.
Ainsi, l’applicabilité universelle de la théorie marxiste-léniniste développée par Mao, c’est-à-dire le maoïsme, fut reconnue et commença à devenir la ligne directrice pour les authentiques révolutionnaires à travers le monde, en particulier dans les colonies et les semi-colonies.
La formulation de Mao de la voie chinoise de la révolution fut développée dans de nombreux écrits durant l’avancée de la Révolution. Lénine avait déjà souligné qu’à l’ère de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne, c’était le prolétariat et non la bourgeoisie qui conduirait la révolution démocratique bourgeoise. Mao dans son travail intitulé La Nouvelle Démocratie, poursuivit cette interprétation, en soulignant qu’à l’époque actuelle, toute révolution dans une colonie ou une semi-colonie dirigée contre l’impérialisme ne relève plus de l’ancienne catégorie des révolutions mondiales démocratiques-bourgeoises mais d’une nouvelle catégorie ; elles ne font plus partie des vieilles révolutions bourgeoises ou capitaliste, mais sont une part de la nouvelle révolution mondiale, de la révolution socialiste prolétarienne mondiale. De telles colonies ou semi-colonies révolutionnaires ne peuvent plus être considérées comme des alliés du front contre-révolutionnaire du capitalisme mondial. Elles sont devenues des alliés du front révolutionnaire socialiste mondial. Ainsi, afin de se différencier des anciennes révolutions démocratiques bourgeoises, il nomma la révolution dans les colonies et les semi-colonies la Révolution de Nouvelle Démocratie. Sur cette base, il élabora sur la politique, l’économie et la culture de la Nouvelle Démocratie.
Mao développa également l’interprétation du front uni que Lénine et Staline avaient théorisée. Il montra que la bourgeoisie dans les colonies et les semi-colonies était divisée en deux parties : la bourgeoisie compradore et la bourgeoisie nationale. La bourgeoisie compradore, qui dépendait de l’impérialisme pour son existence et sa croissance, est toujours une ennemi de la révolution. La bourgeoisie nationale est quant à elle un allié hésitant qui aide parfois la révolution et rejoint parfois ses ennemis. Ainsi, le front uni sous la direction du prolétariat dans les pays coloniaux et semi-coloniaux consiste en une alliance de quatre classes : le prolétariat, la paysannerie, la petite bourgeoisie urbaine et la bourgeoisie nationale. Les ennemis de la révolution sont l’impérialisme, la bourgeoisie compradore et les propriétaires fonciers.
Selon Mao, la révolution dans les colonies et les semi-colonies ne suivrait pas le chemin de l’insurrection suivie par la Révolution Russe, où les principales villes furent d’abord capturées avant de contrôler les campagnes. Il montra que la voie chinoise de la guerre populaire prolongée impliquait la saisie du pouvoir dans les milieux ruraux, la construction de zones de guérilla et de zones rouges et finalement l’encerclement et la capture des villes. Pour atteindre cet objectif, Mao jeta les bases des principes militaires de la guerre révolutionnaire. Il enseigna comment construire l’Armée Rouge, c’est-à-dire l’arme absolument nécessaire de la révolution. À partir de la guerre de guérilla, puis de la guerre mobile et enfin de la guerre de position, Mao montra comment une petite force peut compter sur les vastes masses pour construire la puissance nécessaire pour vaincre un formidable ennemi.
Enfin, en s’appuyant sur la compréhension marxiste-léniniste de l’État et de la dictature du prolétariat, Mao élabora sa théorie concernant la forme de l’État lors des révolutions dans les pays coloniaux. Sur la base de la théorie de Nouvelle Démocratie, il formula l’interprétation de la Nouvelle république démocratique.
Cette nouvelle république démocratique serait, selon lui, différente des anciennes républiques capitalistes d’Amérique et d’Europe sous dictature bourgeoise, ancienne forme démocratique d’ores et déjà dépassée. D’autre part, elle serait également différente de la république socialiste de type soviétique sous dictature du prolétariat. Pendant une certaine période historique, cette forme n’est pas encore adaptée aux révolutions dans les pays coloniaux et semi-coloniaux. Au cours de cette période, une troisième forme d’État doit donc être adoptée dans les révolutions de tous les pays coloniaux et semi-coloniaux, à savoir la nouvelle république démocratique sous dictature commune de plusieurs classes anti-impérialistes. Comme cette étape convient à une certaine période historique, elle est transitoire. Néanmoins, selon Mao, c’est une étape nécessaire qui ne peut être supprimée.
Cet État fut établi après la victoire de la Révolution Chinoise sous la forme de la Dictature Démocratique Populaire. Mao expliqua l’essence de la dictature démocratique populaire en tant que combinaison de deux aspects – la démocratie pour le peuple et la dictature sur les réactionnaires. Le peuple est la classe ouvrière, la paysannerie, la petite bourgeoisie urbaine et la bourgeoisie nationale. Ces classes, dirigées par la classe ouvrière et le Parti Communiste, s’unissent pour former leur propre État et élire leur propre gouvernement. Ils appliquent leur dictature sur les valets de l’impérialisme, la classe des propriétaires et la bourgeoisie bureaucratique, ainsi que les représentants de ces classes.
Mao souligna également que le Parti Communiste devait diriger le processus de transformation de la dictature démocratique populaire en un État socialiste. La dictature démocratique populaire, dirigée par le prolétariat et basée sur l’alliance ouvrière-paysanne, nécessite que le Parti Communiste réunisse toute la classe ouvrière, toute la paysannerie et les grandes masses d’intellectuels révolutionnaires ; ce sont les forces dirigeantes et la base de cette dictature. Sans cette unité, la dictature ne peut être consolidée. Il est également nécessaire que le Parti s’unisse avec le plus grand nombre possible de représentants de la petite bourgeoisie urbaine et de la bourgeoisie nationale qui sont prêts à coopérer ainsi qu’avec leurs intellectuels et leurs groupes politiques. Il est nécessaire d’isoler les forces contres-révolutionnaires. Si cela est fait, il sera possible, après la victoire de la révolution, de restaurer et de développer rapidement la production, de faire face à l’impérialisme étranger, de transformer une économie agricole semi-coloniale arriérée en un pays industriel et de construire un État socialiste.