Durant la plus grande partie de la période d’entre-deux-guerres, l’économie capitaliste mondiale était en plein effondrement. La production industrielle mondiale avait progressé à un rythme très lent et le commerce mondial était resté stagnant. En fait, le commerce mondial total en 1948 (trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale) était le même qu’en 1913 (l’année précédant la Première Guerre Mondiale). La pire phase de cette crise fut ce qu’on appela la Grande Dépression de 1929-1933, dont le capitalisme ne s’était pas vraiment rétabli, même avant le début de la Seconde Guerre Mondiale en 1939. Ce fut une crise qui toucha pratiquement le monde entier, des pays les plus industrialisés aux plus reculés. La production industrielle chuta et le taux de chômage atteignit un niveau jamais égalé. En Allemagne, près de la moitié de la classe ouvrière était au chômage. Les prix s’effondrèrent, affectant les économies de presque tous les pays.
Au fur et à mesure que les difficultés économiques augmentaient, les contradictions s’accentuaient et de nombreux pays connaissaient des troubles sociaux et politiques généralisés. En Amérique Latine, il y eut des tentatives pour renverser les gouvernements dans quasiment tous les pays, et beaucoup d’entre elles réussirent. Il y eut aussi une recrudescence des mouvements d’indépendance dans de nombreux pays, dont l’Inde. Ainsi, dans les colonies et les semi-colonies, il y eut de nombreuses luttes ainsi qu’un glissement vers la gauche de la base idéologique de celles-ci. Dans les pays impérialistes, les classes dirigeantes essayèrent désespérément de contrôler les effets sociaux de leur crise. Certains introduisirent des programmes de protections sociales pour détourner les masses de la lutte. La plupart des classes dirigeantes utilisèrent cependant des moyens répressifs pour supprimer les mécontents. De nombreux pays adoptèrent des régimes d’extrême-droite, l’Italie étant le premier avec l’arrivée du fascisme. Le Japon passa d’un régime libéral à un régime national-militariste en 1930-31. L’Allemagne connut l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933. Dans de nombreux autres pays impérialistes, il y eut une montée des partis d’extrême-droite et un recul des partis réformistes.
L’Internationale Communiste analysa cette croissance du fascisme. Elle démontra comment trois facteurs dans la situation de l’après-guerre avaient affecté les classes impérialistes et conduit à la montée du fascisme. Tout d’abord, le succès de la Révolution d’Octobre et la victoire du socialisme avaient fait craindre à la bourgeoisie les succès du prolétariat et la révolution dans leurs propres pays. Deuxièmement, ils étaient confrontés à la plus grave crise économique de l’histoire du capitalisme. Troisièmement, les deux premiers facteurs amenaient les masses laborieuses du monde entier à se tourner vers la révolution. La réponse des classes dominantes impérialistes ces trois facteurs fut d’introduire le fascisme.
Au 7ème Congrès du Komintern qui eut lieu en 1935, le fascisme et le danger de la guerre furent analysés en détail. Le fascisme fut défini comme la dictature ouverte et terroriste des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins et les plus impérialistes du capital financier. Il fut expliqué comment les impérialistes prévoyaient d’augmenter de façon drastique le pillage des masses laborieuses : ceux-ci se préparaient à mener une nouvelle guerre mondiale impérialiste, à attaquer l’Union Soviétique, à diviser la Chine entre puissances impérialistes, et à ainsi arrêter l’avancée de la révolution. Alors que les principaux pays impérialistes avaient commencé la mise en place de gouvernements fascistes, ils menèrent des guerres locales agressives en vue d’une nouvelle guerre mondiale pour le repartage du monde. Alors que l’Allemagne et le Japon commençaient à attaquer et à envahir de nouvelles régions, les autres puissances impérialistes comme la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis adoptèrent une politique de compromis et de concessions envers les agresseurs fascistes et tentèrent de les utiliser pour détruire la République soviétique. C’est dans le contexte de cette tactique dangereuse menée par les impérialistes que le prolétariat international devait s’entendre et mettre en pratique ses propres tactiques.
La tactique du prolétariat s’opposait directement à la tactique des impérialistes. Les objectifs de la classe ouvrière internationale étaient la défense de l’Union Soviétique, la défaite du fascisme et des instigateurs de la guerre, la victoire des luttes de libération nationale et l’établissement d’un pouvoir soviétique dans autant de pays que possible.
Pour atteindre ces objectifs, la IIIème Internationale adopta des tactiques selon les principes marxistes de la tactique de guerre. Comme lors de la Première Guerre Mondiale, l’Internationale appela tous les communistes à tenter d’empêcher le déclenchement de la guerre et, au cas où celle-ci éclaterait, de travailler pour convertir la guerre injuste et impérialiste en guerre civile afin de compléter la révolution. Cependant, la principale différence par rapport à la situation de la Première Guerre Mondiale était qu’il y avait maintenant une base socialiste – l’Union Soviétique. Il était du devoir de tous les communistes de défendre cette base socialiste. Ainsi, dans le cas où l’Armée Rouge devait entrer en guerre pour la défense de l’Union Soviétique, la nature de la guerre changerait. Elle deviendrait une guerre juste pour la défense du socialisme et il deviendrait la tâche de tous les communistes de mobiliser les travailleurs et les masses laborieuses de tous les pays pour la victoire de l’Armée Rouge sur l’impérialisme. Ainsi, l’approche communiste de la guerre et des tâches des partis communistes du monde furent clairement définies en 1935, quatre ans avant l’éclatement de la guerre.
La Troisième Internationale élabora également les tactiques détaillées du front commun pour combattre le fascisme et mettre en œuvre l’interprétation susmentionnée. Dans les pays capitalistes, deux types de fronts devaient être formés. D’abord les fronts des travailleurs antifascistes, qui devaient être formés avec les partis sociaux-démocrates. Ensuite les fronts populaires antifascistes, qui devaient être formés le cas échéant avec d’autres partis antifascistes outre les sociaux-démocrates. Dans les colonies et les semi-colonies, la tâche était de former des fronts anti-impérialistes, y compris en incluant la bourgeoisie nationale. Le but final des communistes en participant à tous ces fronts était de réaliser la victoire de la révolution dans leur pays et la défaite globale du capitalisme.
Dans les années précédant la guerre, la plupart des partis communistes essayèrent de mettre en œuvre les tactiques ci-dessus. Des fronts unis furent formés et des mouvements se développèrent dans de nombreux pays. Toutefois, au cours des différents retournements de situation, et selon les conditions concrètes des divers pays, certains partis ne réussirent pas à mettre en place les tactiques correctes.
Le gouvernement soviétique, confronté à une situation des plus dangereuses, eut cependant recours à la tactique correcte dans la situation concrète de la Seconde Guerre Mondiale. Dans les années d’avant-guerre, toutes les démarches furent prises pour construire un front uni des gouvernements non-fascistes contre le groupe des pays agresseurs fascistes. Toutefois, il devint vite évident que ces pays n’étaient pas intéressés par un front uni, mais faisaient de leur mieux pour utiliser l’Allemagne pour écraser l’Union Soviétique. Afin de vaincre une telle stratégie, Staline conclut un pacte de non-agression avec l’Allemagne en août 1939, obligeant la première partie de la guerre à se dérouler entre les puissances impérialistes. Ainsi, les partis communistes du monde entier travaillèrent selon la tactique de “transformer la guerre en guerre civile” au cours des deux premières années de la guerre. L’Union Soviétique utilisa cette période pour faire tous les préparatifs possibles pour sa défense dans le cas où l’un des pays impérialistes lancerait une attaque.
Cette attaque se produisit en juin 1941, lorsque l’Allemagne attaqua la base socialiste. Suite à cette agression, l’Armée Rouge fut forcée de répondre. Le caractère de la guerre changea pour devenir celui d’une guerre populaire antifasciste et la tactique telle qu’envisagée précédemment par la Troisième Internationale devint applicable. Certains des partis communistes, employant une tactique correcte et faisant usage des crises révolutionnaires, pourraient achever leur révolution. En particulier, le Parti Communiste de l’Union Soviétique (PCUS) mena l’Armée Rouge et l’ensemble du peuple soviétique à une victoire héroïque dans la guerre. Il vainquit la puissante armée allemande et se joignit aux partis communistes et aux combattants des pays d’Europe de l’Est pour les libérer de l’occupation allemande. Ainsi, en utilisant ces tactiques, le prolétariat international réussit non seulement à protéger sa base socialiste, mais dès 1949, rompit la chaîne impérialiste à plusieurs endroits, sortit du système mondial impérialiste et construisit un camp socialiste couvrant un tiers de l’humanité. Ainsi, la stratégie et la tactique tracée par la Troisième Internationale, pendant la période de la Seconde Guerre Mondiale, se révéla juste dans la pratique.
Cependant, il y eut aussi de graves échecs. Cela s’explique principalement par l’éducation incomplète de la IIIème Internationale sur l’approche correcte dans la mise en œuvre de ces tactiques, mais aussi par les puissants vestiges de la IIème Internationale et de son approche réformiste dans de nombreux partis européens et dans les partis formés par eux, comme le Parti Communiste d’Inde. Des partis comme le PCI et le Parti Communiste de Grande-Bretagne passèrent la majeure partie de leur temps durant la guerre à essayer d’accroître la production. Beaucoup de ces partis bisèrent de nombreuses grèves et s’aliénèrent la classe ouvrière. D’autres, comme le Parti Communiste Français, se joignirent aux fronts unis avec les partis de la classe dirigeante, mais n’essayèrent même pas de conserver la quelconque différence entre les communistes et les autres réactionnaires dans le front uni. Cette approche conduisit ces partis à devenir les suivistes des classes dirigeantes dans les fronts unis auxquels ils participaient. Cela contribua également au développement de tendances de droite qui, dans la période suivante, entraînèrent la direction de la quasi-totalité de ces partis dans la voie du révisionnisme.
La Troisième Internationale, en ne pouvant pas lutter contre ces tendances révisionnistes, perdit également de son efficacité à conseiller les différents partis membres se trouvant dans des conditions extrêmement différentes. Exception faite de la publication régulière de ses périodiques, l’activité du Komintern avait considérablement diminué depuis 1940 et même les événements comme le 1er Mai ou la célébration de la Révolution d’Octobre furent abandonnés entre Mai 1940 et Mai 1942. Finalement, il a été décidé de dissoudre le Komintern. Comme un Congrès ne pouvait pas être convoqué au vue des conditions de la guerre, le Présidium du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste envoya une résolution recommandant la dissolution de l’Internationale à toutes ses sections. Après avoir reçu l’approbation de la plupart des sections, y compris toutes les sections importantes, le Komintern fut dissout le 10 juin 1943.